Un été 64

par | Août 20, 2020 | Top bouquin

Le formidable duel Anquetil Poulidor

« Mon Tour 64 », par Jeff Legrand et Christophe Girard. Mareuil éditions. Album 140 pages. 19,90 euros.

Alors que le public comme les journalistes n’en peuvent plus de proclamer leur ennui face au spectacle piteux proposé depuis plusieurs années déjà par le morne peloton du Tour et du Giro, voilà l’antithèse exactement. Le formidable et inoubliable duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy de Dôme durant le Tour de France 1964.
En BD et avec talent et verve, le duo Jeff Legrand – Christophe Girard, nous restitue le temps d’un album l’un des plus mythiques épisodes de la grande boucle. Cette lutte au corps à corps entre deux inimitables champions parvenus tout à la fois au faite de la gloire et de leurs carrières. Flash-Back…
Printemps 1964. Alors que le Général De Gaulle accueille à Metz le Président Allemand pour l’inauguration du canal de Moselle, alors que ce même Général De Gaulle commence à envisager un duel avec François Mitterrand pour les présidentielles de 1965, la France ne songe qu’au futur affrontement Anquetil Poulidor sur un Tour qui se présente comme exceptionnel. Une passion nationale qui partage le pays tout entier en deux camps irréconciliables. Les anquetilistes et les poulidoristes. Comme autrefois en Italie le duel Bartali-Coppi.
Arbitré par les deux grimpeurs espagnols Bahamontès et Jiménez, le duel promet.
Raymond, devenu Poupou, est le chéri du public. Simple et nature, il incarne la France populaire.
Jacques, devenu Maitre Jacques, est le plus grand champion de l’époque. Le Campionissimo lui-même l’avait désigné comme son successeur. Roi absolu du contre la montre, déjà quatre fois vainqueur du Tour auquel il faut rajouter ses victoires sur le Giro et la Vuelta, il est le héros mal aimé. Une machine à gagner qui ne parvient pas à séduire le grand public.
Au départ du Tour Anquetil est le favori des spécialistes tandis que Poulidor est celui du grand public.
Jacques apparaît plus maigre et plus hallucinant que jamais. Il vient de gagner le Giro après une très rude bataille contre les italiens.
Raymond est confiant. En pleine forme et très optimiste, il annonce la couleur : « Je suis en pleine forme et mes progrès contre la montre vont me permettre de limiter la casse avec Anquetil et mettre Bahamontès à distance. »
Le 22 juin, c’est le grand départ depuis Rennes. Dans cette première étape Van Loy chute et entraine plusieurs coureurs avec lui. Dont…Poulidor qui va passer la ligne avec 20 secondes de retard sur Anquetil.
Étape après étape, le kaléidoscope se déploie. Anquetil est en tête depuis le calamiteux chrono de Bayonne. Mais Poulidor ne lâche rien. Il est à 56 secondes seulement.
Puis vient l’affrontement ultime. Sur les pentes d’un Puy de Dôme érigé en juge de guerre.
A deux kilomètres du sommet Anquetil et Poulidor sont toujours ensemble. Côte à côte. Lutte à mort entre deux coureurs désireux d’aller jusqu’au bout de leurs forces et même au-delà…
Les épaules se touchent. Poulidor avance en force de son allure de grimpeur puissant. Sans jamais regarder son adversaire. Anquetil est écrasé sur sa machine. Il est au paroxysme de la souffrance. Mais il résiste. Puis soudain, à moins d’un kilomètre du sommet, il est soudain rivé au sol. Avalé par la pente à 14%. Il voit impuissant Poulidor s’éloigner vers le sommet.
Sur la ligne, qu’il passe en cinquième position, Anquetil a lâché 42 secondes. Il garde le maillot jaune avec 14 secondes sur un Poulidor déçu. « 13 de trop », dira Jacques qui sait que dans le chrono final il pourra parachever sa cinquième victoire sur le Tour.
Mêlant documents et imagerie populaire, actualité et légende, Legrand et Girard magnifie l’un des plus beaux chapitres de l’histoire du cyclisme. Leur album est un hymne à la gloire du sport. Et un manifeste tricolore édifiant qui vient rendre hommage à deux champions d’exception.

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