Un col, un vin, un resto : Col de la Cayolle, l’Auberge de Bachelard et domaine La Blaque
Après quelques mois d’absence dus à une sale période, à un moment où le monde s’est arrêté au chevet d’une épidémie, j’avais hâte de vous retrouver enfin libéré de ce carcan et repartir sur de nouvelles bases. Comme vous le savez, cette chronique est entièrement dédiée aux plaisirs relatifs à la pratique du vélo. Pour servir de guide à ceux qui ne connaissent pas forcément cette chronique, je voudrais vous entrainer aujourd’hui dans les Alpes du Sud à la découverte de nouveaux trésors cachés…

Le partage de l’effort et les retrouvailles d’après match font partie d’un schéma classique. Une bonne douche et cela se termine généralement autour d’une bonne table, avec un repas qu’on arrosera avec les flacons du pays. Un vrai cycliste boit toujours avec modération, je parle de l’eau bien évidemment…
Les Cols de la vallée de l’Ubaye
Barcelonnette est une ville située au cœur de cette vallée. Nombres de grands cols alpins ayant participé à faire la renommée du cyclisme d’aujourd’hui, viennent s’évanouir à ses pieds. Citons parmi les plus célèbres : Allos, Vars, La Bonette, ou encore Larche quand on file vers l’Italie. Mais celui dont je voudrais vous parler est à mettre au registre de l’exceptionnel !
Le Col de la Cayolle
Représente la liaison entre les Alpes de Haute de Provence et les Alpes Maritimes. Point culminant 2326 m que l’on franchit au bout de 25 kilomètres. Cet exercice, composé de deux parties très différentes permettra aux nouveaux arrivants de s’accommoder à l’altitude et au déficit d’oxygène, du moins dans les 17 premiers kilomètres.
Au bout de ça, on atteint déjà 2000 mètres d’altitude et le hameau de Bayasse. Pour les cyclistes non habitués, on pourra faire une pause ou revenir une autre fois et aller jusqu’ au sommet car la suite est beaucoup plus exigeante : 8 kilomètres de péripéties avec des pourcentages dépassant parfois 11%. C’est justement à ce moment-là que les marmottes spectatrices de notre souffrance, entonneront en cœur leurs sifflements stridents. Le but de ce comportement est de signaler à toute la communauté environnante l’intrus que vous êtes sur votre bécane.
Mais revenons à la première partie. Celle-ci prend vraiment effet sur la commune d’Uvernet après environ 4 kilomètres de plat au départ de Barcelonnette. Cette mise en jambe sera bénéfique pour aborder les premières difficultés. A partir de là, et pendant un bon moment, on longe le torrent du Bachelard. L’été, il y fait frais. Quelques touristes courageux s’essayent à la baignade dans une eau presque glacée. Des parkings aménagés permettent de pique-niquer en toute sécurité. Le bruit du torrent accompagne votre escalade, vous entrez maintenant dans les gorges et la route se rétrécit par endroits.
Après avoir passé deux petits hameaux, à moitié chemin de la première partie, on arrive au village de Fours, bien connu dans la vallée pour ses célèbres ravioles. Pour les assoiffés, une source d’époque coule au beau milieu d’une placette, vous pourrez refaire le plein des gourdes, eau fraîche garantie. Nous sommes à 1600 mètres d’altitude. Reste 400m de D+ pour rejoindre Bayasse et attaquer la seconde partie. Pas de difficultés majeures à signaler, tout va bien. Bayasse vous tend les bras ! Fin de la première partie. Ceux qui auront décidé de faire une halte ou s’arrêter là pourront pousser leur effort et monter jusqu’au hameau rendre visite au boulanger du coin par exemple. Je vous le recommande. Pain au levain naturel cuit au feu de bois, pain aux olives etc… l’été on peut retrouver ces merveilles les jours de marché à Barcelonnette.
Pour les plus forts ça continue. On traverse une nouvelle fois le Bachelard. Très vite, la pente s’élève, vous entamez le plat de résistance avec 2 kilomètres très difficiles dès le début, ensuite ça s’adoucit. Tout au long de cette nouvelle épreuve, les paysages sont sublimes, cascades, forêts de mélèzes. Je connais ce col comme ma poche et pourtant je ne m’en lasse jamais.
La longueur de ce col nécessite un engagement sans faille, surtout si le vent s’en mêle et vient compliquer votre tâche à l’approche du sommet. Je vous conseille d’effectuer cette ascension le matin, c’est plus prudent à cause des orages qui se développent l’après-midi. Il restera un bon petit kilomètre lorsque vous passerez le refuge de haute montagne situé sur votre droite. A l’arrivée, à plus de 2300 mètres, une photo s’impose au pied de la borne qui sépare les deux départements. N’oubliez jamais de vous munir d’un coupe-vent pour repartir vers le bas, même en plein été. La descente ne présente pas de difficultés particulières, si ce n’est d’être attentif aux éventuelles traversées de marmottes et des chutes de pierres assez fréquentes au moment d’aborder les gorges. Dans l’ensemble, la chaussée est surveillée et bien entretenue. C’est sur le retour, à l’approche de la petite bourgade d’Uvernet que se situe, sur la droite, notre auberge du jour. C’est la table de nombreux cyclistes, vous n’y serez pas dépaysés.
L’Auberge du Bachelard
Surplombe le torrent et son joli pont fleuri. C’est ici qu’ont lieu les miracles culinaires de Jérémy Vella. L’homme à la toque noire maitrise ses poêlons de manière magistrale. Malgré son jeune âge pour un grand chef, Jérémy a déjà acquis une sacrée expérience lorsqu’il se trouve aux commandes de ses fourneaux, cuisson en basse température, un terrain ou il excelle. Il y a un côté humble chez ce garçon qui force l’admiration, le tout, accompagné d’une gentillesse extrême. Bref ! Une cuisine à découvrir, riche en émotions et doublée d’un mélange subtil de saveurs.
Un couple charmant
Après avoir exercé leur profession dans une autre région, Esther et Franck Barberin étaient en recherche d’un lieu qui leur correspondrait un peu plus, un retour aux sources en quelque sorte car Franck est originaire de la vallée et c’est finalement cette magnifique Bâtisse du 19e siècle qui sera choisie, six chambres aménagées avec soin vous y attendent, un choix de cœur voulu par Franck. L’appel de la vallée aura été le plus fort. Franck est un vrai homme, sérieux et également doté d’une grande gentillesse, l’homme à tout faire de la maison. Esther, sa ravissante épouse est originaire des Pays-Bas et très bonne cycliste, ceci explique sans doute cela. Leurs destins ont dû se croiser un jour pas très loin d’ici… D’ailleurs, la notoriété ne s’est pas fait attendre avec la venue de la FDJ et Thibault Pinot qui ont séjourné à l’auberge lors de la 2eme édition de la Mercantour Classic Alpes Maritimes
C’est au cours de l’été 2019 qu’a eu lieu notre première rencontre. Ce jour-là, nous sommes accueillis par la bienveillante Esther, c’est elle qui a en charge la salle de restaurant, son accent nordique lui va à ravir. Le lieu est très agréable et tout au long de notre passage, le repas sera rythmé par le son du torrent tout proche. Ici, rien n’est laissé au hasard, tout est prévu pour vous satisfaire. Du cousu main sur tout ce qui est proposé !
Le moment venu, mon choix s’est porté sur les ravioles de Fours surmontées d’une crème aux asperges et écrevisses du torrent, une folie ! Le plat est copieux et j’ai honte de vous avouer que j’ai recommandé la même chose pour voir si je n’avais pas rêvé… un des meilleurs repas de ma vie, même après quelques grandes tables au compteur, je dois avouer que la surprise a été totale. C’est Jérémy en personne, bardé d’un grand sourire, qui est venu me servir la deuxième fournée. Un sourire farceur qui en disait long. Nous avons beaucoup échangé sur sa passion et sa formidable capacité à faire ressortir autant de saveurs sur chaque plat. Plus tard, lors d’une autre visite, j’ai eu droit aux filets de truites fraiches, cuisson « au bleu » dans la pure tradition française et hop ! Un nouveau coup de massue, un vrai bonheur.
Enfin, les pâtisseries sont également toutes faites maison, il y en a pour tous les goûts. Je vous recommande le Gratin de Mirabelles soufflé ou encore La Crème Brulée Glacée à la Violette. Que dire de plus ? Hé bien pas grand-chose si ce n’est de réserver votre repas à l’avance. Les tarifs sont plus que raisonnables et sans mauvaise surprise.
Laurence et Gilles Delsuc, les vignerons du domaine La Blaque.
Un vin de grande classe
Les Alpes de Haute Provence ne sont pas forcément prédisposées à la culture viticole. Cependant, quelques vignobles commencent à proposer des choses intéressantes. Je pense au Château de Rousset, un domaine situé au bas du plateau de Valensole. Vous trouverez ces vins sur la carte de l’Auberge. Un peu plus au Sud, un vigneron se distingue particulièrement dans l’AOP Coteaux de Pierrevert, il s’agit de Gilles Delsuc, œnologue diplômé de la faculté de Dijon. Avec l’aide de son épouse Laurence, elle aussi œnologue, les deux s’empreignent à gérer un encépagement de 55 ha.
Domaine La Blaque, Rouge Réserve à gauche, Rouge Tradition au centre et Blanc Réserve à droite
Le Domaine La Blaque « Un terroir exceptionnel »
De l’aveu même de Gilles, le microclimat, la diversité des sols et l’orientation du vignoble sont optimums. L’ensoleillement présent 320 jours par an ainsi que les variations extrêmes entre le jour et la nuit (dues à l’altitude), sont particulièrement adaptés à la maturité du raisin. Une pure bénédiction. Tous ces éléments sont favorables pour une viticulture méditerranéenne.
Je connais ce domaine depuis vingt ans, les cuvées annuelles se suivent et se ressemblent, toujours excellentes et ce dans toutes les couleurs. Les cuvées tradition rouge blanc et rosé n’ont pas d’équivalents si l’on prend en compte les rapports qualité/ prix. Au-dessus, la gamme Réserve 95% Syrah et 5% Grenache finit de vous achever le palais tellement ces flacons sont équilibrés avec une complexité aromatique inégalée. On est obligé de tomber sous le charme de ces chefs d’œuvres que l’on pourra garder 20 ans sans problème et c’est bien comme ça qu’il convient de les appeler. J’ai proposé à Esther et Franck de compléter leur carte avec ce Domaine. Les chanceux vacanciers de la vallée pourront dores et déjà se procurer quelques bouteilles en vente à La maison des produits du Pays à l’entrée du village de Jausiers.
Comme toujours, si vous décidez de vous rendre dans le coin, suivez le guide, aucune déception possible.