Un col, un vin, un resto

Faustino Coppi, La grimpée vers Castellania, Le vin de Marina Coppi, L’Albergo Corona

SUR LES TRACES DU CAMPIONISSIMO

par Gérard mézadourian, photos Joel lombard

Oui à cette magie ! car lorsqu’elle est là, qu’elle s’installe délicieusement, il n’y a qu’à fermer les yeux et se laisser guider. Pour vous, j’ai remonté un pan d’histoire. Une histoire unique comme peuvent l’écrire des champions hors normes, ceux qui ont bâti des légendes et marqué leur époque à tout jamais. A commencer par l’inégalable et inoubliable Campionissimo.

reportage Castellania

Afin de découvrir tout ça, j’ai pris la direction de la mythique ville de Novi Ligure en Italie, celle-là même qui accueillera une étape du Giro 2019. Les organisateurs ayant tenu à écrire une nouvelle page d’histoire à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Fausto Coppi. Ce petit coin d’Italie est marqué comme nulle part ailleurs par le souvenir du Campionissimo, celui que l’on peut considérer aujourd’hui, comme l’un des plus grands champions que le cyclisme ait connu au siècle dernier. Ici, à Novi, un musée lui est entièrement consacré. « Le Campionissimo », c’est ainsi qu’on le surnommait. Chaque lieu, là où l’enfant du pays avait l’habitude de trainer ses guêtres, est empreint de photos célèbres, de dédicaces ou encore de la couleur de ses maillots.

Je devais donc, à son image, pour bien vous informer, reprendre les routes d’entrainement du célèbre coureur qui a tant passionné les foules. En réalité, Angelo Fausto Coppi est né à Castellania, une petite commune de la province d’Alexandrie située dans le Piémont, à environ 20 km de Novi Ligure. A 14 ans, commis charcutier dans une échoppe de la ville, il arpentait déjà inlassablement à vélo, matin et soir, la distance et le dénivelé conséquent séparant son travail et son bien aimé village de naissance. Pour accéder à Castellania, certaines portions de route atteignent plus de 15%, notamment au bas du village de Carezzano. Nul doute, c’est bien là que le champion s’est forgé un amour indélébile pour cet art que l’on nomme cyclisme. Il en sera par ailleurs le maître un peu plus tard, et ce pendant de nombreuses années.

J’ai pensé, pour cette fois ci, qu’il était plus adapté d’effectuer cette montée comme un moment historique, sur les traces de celui qui aimait tant cette région. Comme moi, vous prendrez le temps d’imaginer ce que représente ce lieu mythique. Une sorte de dégustation non pas à l’aveugle mais à ciel ouvert. Une fois votre itinéraire calculé et si vous êtes en ville, plusieurs options s’offriront à vous pour rejoindre la montée finale.

C’est le départ ! Patrick et Salvatore écoutent les dernières recommandations de Gérard… L’heure est au recueillement.

En ce qui me concerne, je n’ai pas eu de difficulté à trouver ma route… Faustino, le fils du champion, a été d’un précieux secours, je le connais déjà pour l’avoir rencontré plusieurs fois. La montée se passera sans problème. J’ai vraiment l’impression d’être dans un rêve… que peut-on espérer de mieux ?  Le fils qui me guide et qui m’annonce également que le vin de sa sœur nous attend au sommet… le vin de Marina Coppi !  Quel honneur ! Mais en même temps, la France a adoré le champion ! La famille me rendrait-elle la pareille ? Un peu d’humilité … je ne suis qu’un petit cycliste, mais tellement passionné.

Premières rampes. Déjà l’émotion a laissé place à l’adrénaline. Il faut dire que notre duo s’est élancé sur les traces de Fausto Coppi. 

La pente se fait plus rude. Il va falloir se dresser sur les pédales pour rejoindre l’ombre du Campionissimo.

Au sortir du bourg, passées les dernières maisons, la pente s’adoucit. La nature est belle, tout le Piémont s’offre à nos cyclistes.

La pente redevient sévère, entre vignobles et vergers.

Quelle chance de vivre des moments pareils ! Arrivé au sommet, le maire du village nous attend. Il nous annonce avec fierté que le conseil régional du Piémont vient d’approuver sa décision de rebaptiser le village Castellania-Coppi ! Inimaginable en France naturellement. Mais pas en Italie où le culte du champion est une seconde nature.
Nous passons pas mal de temps à la mairie, à discuter du projet fou d’accueillir le Tour en 2022 avec la voisine Novi Ligure pour célébrer le doublé Giro-Tour 1952 de Coppi. Puis visite de la maison de naissance du champion avec toujours Faustino comme guide. Cette maison de village est entièrement transformée en musée. On peut y voir le lit où est né Fausto, mais aussi capter des moments passés avec sa famille et ses amis. En fin d’après-midi, sous un coucher de soleil flamboyant, l’heure est au recueillement avec la visite du mausolée dédié à Fausto et à son frère Serse. Séquence émotion… Les deux frères, tous deux disparus tragiquement, cote à cote reposent dans le même monument ! Ce que je vis là est grandiose ! Un énorme frisson m’envahit ! Je rejoins l’histoire à la fois terrible et magnifique, avec le sentiment magique d’y participer, c’est tout simplement incroyable.
Parlant d’un Eddy Merckx au sommet de sa gloire, Jacques Goddet, légendaire directeur du journal l’Équipe, disait : « il y a pour moi quelqu’un qui est au-dessus de ce numéro un, c’est Fausto Coppi, parce qu’il s’est manifesté dans des conditions qui atteignaient le divin, le surhomme, par sa morphologie, par sa nature physique ». Vu ma sensibilité… je confirme.
Je me pose une question… De là-haut, mon père doit être fier de moi ? Lui qui était un très bon coureur, apprendre que son fils suive les routes de l’idole de son époque doit sans doute lui apporter beaucoup de bonheur. Ouf ! Ma gorge se serre et mes yeux rougissent, c’est énorme ! La passion permet ces instants de recueillement, je vous souhaite de vivre la même chose. Pour enfoncer le clou… Faustino me permettra même d’essayer le dernier vélo de son père, un Coppi utilisé peu avant sa disparition tragique en janvier 1960 à cause d’une malaria mal diagnostiquée, contractée en Haute Volta. Cette journée est très chargée en émotions, trop presque. Alors pour le vin, nous reviendrons demain.

Au pied de la rampe finale, une bâtisse ancienne propose une première image du Campionissimo. Nous sommes bien sur ses traces…

C’est fait ! Nous avons rejoint Fausto Coppi dans son mythique village de Castellania. L’effort a été rude mais réjouissant.

Dans le petit musée local, une image du Campionissimo accueille le visiteur.

Castellania Coppi, le village aux trésors cachés

Une fois n’est pas coutume, nous irons déguster les vins de Marina Coppi avant de rejoindre le Restaurant qui nous attend le soir. Faustino nous conduit chez sa sœur, une propriété viticole située aux confins du village, plus exactement sur le versant sud.

Les vignes Marina Coppi, en agriculture biologique, s’étendent sur les premiers contreforts sauvages du Piémont.

Francesco et son épouse accueillent Gérard Mézadourian accompagné de leur oncle, Faustino Coppi. Un Faustino qui prend très au sérieux son rôle de rédacteur en chef exceptionnel.

Francesco, le fils de Marina nous attend. C’est lui qui a repris avec bonheur, l’exploitation de sa mère. Après de longs séjours en France pour y étudier l’œnologie, il revient avec des idées nouvelles et propose de vinifier des vins de très haute qualité. Le rendement à l’hectare va être diminué fortement. Pour Francesco, il est dorénavant exclu, selon une expression vigneronne bien connue, de ‘’ faire pisser la vigne ‘’ et il a raison ! Il faudra égrapper pour augmenter la qualité. Le vin blanc issue de l’unique cépage Timorasso occupe 50% du domaine, le reste est réservé à l’élaboration de vins rouges, également de très haut niveau. Nous commencerons par les blancs. D’abord, la cuvée « Fausto » puis « Grand Fosto » en référence à la prononciation à la française. Couleur tilleul, le Timorasso proposé par Francesco apparait fruité, floral et légèrement épicé. On peut y déceler le citron, l’abricot ou encore la pomme. Ajoutons une pincée de miel, un équilibre parfait et une fois de plus, la magie opère. Nous sommes enchantés et le meilleur reste à venir. Pour la cuvée Grand Fosto, ce sont des fruits murs qui sautent aux papilles, je, nous, sommes éblouis devant tant de réjouissances. Pour corser le tout, on ouvre une grande année… 2013 je crois et l’explosion continue. La volonté de bien faire dans cette famille est vraiment inscrite dans les gènes, je, nous, sommes admiratifs. Plus besoin de vous faire un dessin… nous sommes en présence d’un savoir-faire indiscutable, sans compter l’accueil magistral qui nous est réservé. Les rouges sont issus du cépage Barbera, un des plus répandu en Italie et plus particulièrement dans la région du Piémont. Là aussi nous sommes emportés par un tourbillon de saveurs. Toutes les années encore disponibles sont d’une extrême régularité. Si comme nous, vous avez un jour la chance de découvrir tout ça, les mots ne suffiront pas pour raconter à vos amis ce que vous aurez vécu. Après tout, cette région n’est pas si éloignée que ça de la France et elle est si accueillante.

Francesco, fils de Marina Coppi et gestionnaire du vignoble familial, insiste sur la fidélité de son travail aux préceptes des anciens : Respect de la nature et refus des traitements chimiques.

Soumis à tous ces privilèges et une dernière visite guidée au milieu des vignes, j’ai du mal à réaliser ce que nous venons de dénicher… des trésors cachés au sommet d’une montagne ! Qui l’eut cru ?
Dans ce timing serré, il nous faut maintenant retrouver l’Albergo Corona. Autre haut lieu mythique où Fausto aimait venir se restaurer en famille.

Albergo Corona, l’auberge des champions et des reines.

 Comme un plaisir n’arrive jamais seul, c’est cette fois chez Gianluca Spinola que nous avons rendez-vous. Ce grand passionné (un de plus) va nous raconter son histoire, celle d’un homme fermement décidé à réaliser son rêve, celui de diriger un grand établissement à la notoriété bien assise.
La quarantaine bien sonnée, il a gravi petit à petit, les marches d’un long parcours qui vont l’amener à racheter et restaurer, à son état initial, cette magnifique auberge qu’est l’Albergo Corona. Pour en arriver là, Gianluca a dû travailler très dur. Torturé par le souci des petits détails, il a déjà œuvré avec bonheur sur l’alliance des mets et vins dans un village des alentours.

Récemment réinventé par Gianluca Spinola, le célèbre Alberto Corona redevient le lieu de séjour et de restauration le plus prisé de Novi Ligure. Comme il l’était déjà pour Fausto Coppi et les plus grands champions de son époque.

C’est autour de quelques idées atypiques qu’il a construit son succès. Après le rachat de l’auberge Corona il y a trois ans, les décors, les peintures, tout a été rendu à l’identique tel qu’avait pu le découvrir la Reine d’Italie en 1909. Ce sont les fréquentations de toutes ces personnes célèbres qui ont contribué à bâtir la solide réputation de ce lieu. Plus tard, ce sera le tour de grands champions comme Fausto Coppi ou encore Gino Bartali et bien d’autres.

Gérard Mézadourian et Salvatore Lombardo posent avec Andrea et Gianluca les artisans de la renaissance spectaculaire du Corona.

Le chef Andrea nous a concocté un menu spécial accompagné des vins de Marina.

Andrea est un chef attentionné, l’envie de bien faire devant les Français que nous sommes, lui tient à cœur… il est un peu inquiet. C’est la cuisine du pays qui sera à l’honneur, il en a été décidé ainsi. Vive le Piémont et la proche Ligurie !
Petite mise en bouche avec dégustation d’une huile d’olive versée au goute à goute dans un petit ramequin, toast et beurre du coin… le ton est donné, le savoir-faire Italien apparait au grand jour ! Quel goût !! Un vrai délice accompagné d’un petit potage maison. Pour le vin, c’est le Timorasso cuvée Fausto, tout simplement sublime.
L’entrée : il Vitello in Piemonte (le Veau du Piémont) façon samossa, présenté sous trois formes et garni d’une sorte de guacamole spécial Andrea… les extrêmes se rejoignent, le rustique dans son raffinement le plus pur, un fondant au goût très nourrissant. Pour le vin, un San Andrea cépage Barbera de Marina, un vin rouge délicat, l’accord est parfait.
Suivent les inévitables pâtes Italiennes faites à la main : Agnolotti del Plin, (petites ganses) accompagnées d’un jus de rôti (il Tocco) cuit en basse température. On finit le Barbera…

Le plat : Guancia Brasato al Gavi (joue de bœuf sauce au vin) arrosé d’un jus de noisettes et oignon rouge. Pour le vin, c’est : il Grop, toujours de Marina, un Barbera supérieur aux tanins impressionnants, que du bonheur !
Gianluca et Andrea ont réussi leur coup, rien à dire nous sommes comblés.
Le dessert maison, à base de glaces hallucinantes de saveurs, sera accompagné d’un petit verre de Barolo Chinato, un digestif amer de la vénérable maison Einaudi, fondée par la famille de l’ancien Président italien. Une fois encore l’Italie magique nous a fait don de ses trésors, une caverne inépuisable ou l’on peut côtoyer à la fois, la trace des artistes de la Renaissance, les fortes traditions de ce pays enchanteur, toujours aussi présentes, et une adoration sans commune mesure pour ses champions. Nous vous recommandons cet endroit sans réserve si vous aimez le vélo et la folle histoire de toutes ces gloires du passé.
Pour réserver, il existe un site internet, tapez : Albergo Corona Novi Ligure et bon séjour sous le ciel d’Italie. Et surtout n’oubliez pas votre vélo pour vous offrir la fameuse grimpée vers Castellania.

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