Specialized Venge S-Works

par | Déc 20, 2018 | Le Supertest

Dédié à la vitesse pure, le Venge est conçu pour aller le plus vite, sur tous les terrains. Et si Specialized annonce un gain de 8 secondes par rapport à l’ancien modèle Vias, il ne fait nul doute que le nouveau cru de cette machine de compétition n’a pas fini de nous surprendre avec près de 500 grammes de moins, un poste de pilotage revu de fond en comble et une toute nouvelle ligne.

Plus vite que l’éclair

L ’histoire du Venge s’écrit jour après jour, comme celle du Tarmac, au gré des compétitions. En effet, Specialized se forge une solide image au fil des victoires de ses champions. Lors de sa sortie en 2011, le premier Venge du nom s’adjuge Milan-San Remo aux mains de Matthew Goss. Et depuis le début de l’année 2018, le Vias totalise plus de 20 victoires. Sans oublier le titre de Champion du monde acquis par Peter Sagan en 2016, toujours aux commandes du Venge Vias.

On le sait, renouveler un vélo qui a déjà beaucoup gagné n’est pas tâche facile, mais le Venge Vias n’était pas parfait. Sa version à freinage sur jantes souffrait d’étriers de freins compliqués à régler, de même que le cheminement des câbles était très tortueux. Ajoutez à cela un poids somme toute conséquent et vous aviez une machine très pointue. Pour le Venge nouveau cru, les ingénieurs de Morgan Hill sont repartis d’une feuille blanche dans le but d’aboutir à un vélo plus léger, encore plus aérodynamique et plus facile à utiliser.
Pour arriver à tous ces « plus » et plutôt que de tester des tubes en soufflerie comme auparavant, ils ont développé un logiciel capable de créer des millions de formes différentes et d’analyser la rigidité et le coefficient aérodynamique qui en découle. Au final, seules certaines formes ont étés conservées et testées en soufflerie, pour aboutir au Venge final que vous avez sous vos yeux.

Un travail de titan pour un vélo annoncé comme 8 secondes plus rapide que le Venge Vias. Le Shiv TT n’a qu’à bien se tenir !
Le gain de poids n’est pas non plus négligeable avec au total 460 grammes de moins à montage égal par rapport au Vias. Comptez 240 grammes de moins pour le cadre, 25 grammes pour la fourche et un peu plus de 200 grammes pour la tige de selle, le poste de pilotage et les autres petites pièces de finition. Le résultat est que sur la balance notre vélo d’essai reste sous la barre des 7 kg, avec un groupe électrique et un freinage à disques. Inconcevable il y a quelques années encore… À propos de disques, sachez que le nouveau Venge est disponible avec ce seul type de freinage. Il a été spécifiquement développé ainsi, ce qui permet d’intégrer au mieux les étriers et les passages de gaines hydrauliques. Des freins à disques qui impliquent un système d’axes traversants pour fixer les roues. Annoncés à 67 grammes les deux, ils se révèlent deux fois plus légers que des blocages rapides. Si la ligne générale du vélo ressemble de loin à celle du Tarmac, la géométrie est bien différente. Cependant Specialized garantit un positionnement comparable et promet qu’en passant du Tarmac au Venge et vice versa, vous ne sentirez pas de différence.

À l’avant, si les douilles du Venge sont plus basses, l’usage obligatoire d’une cale sous la potence permet de retrouver la hauteur du Tarmac. Le poste de pilotage est personnalisable avec une potence spécifiquement développée pour être la plus rigide du marché et s’adapter parfaitement à la ligne de la direction. Elle est disponible en deux versions, respectivement 6 et 12 degrés. Même chose pour les tiges de selle, disponibles en deux longueurs (300 et 390 mm) et en deux déports (0 et 20 mm).

Beau morceau, le cintre Aerofly II. Bien plus élégant qu’auparavant, il combine les avantages aérodynamiques d’un poste de pilotage monobloc sans en avoir les inconvénients. Vous pourrez donc régler finement son inclinaison pour optimiser votre position, ce qui n’est en général plus possible sur ce type de vélo. On remarquera la texture sur le dessus qui empêchera de glisser, bien vu…

Modernité oblige (on peut regretter que tout aille si vite), après l’abandon du freinage sur jantes (nouveau Venge), Specialized abandonne les groupes mécaniques. Uniquement compatible avec les groupes électriques, le Venge accueillera les systèmes Shimano Di2, Campagnolo EPS et évidemment Sram-eTap avec la particularité d’accueillir le boîtier de contrôle Shimano Junction-A dans la tige de selle, ce qui d’après Specialized facilitera les réglages par les mécaniciens en course. Comme de coutume maintenant pour les vélos de la marque, le boîtier de pédalier est de type BB 30, et accueille idéalement le pédalier « S-Works Power » qui capte la puissance. Il est possible de monter un pédalier classique Shimano ou autre avec un adaptateur.

Pour la géométrie, comptez sur six tailles qui bénéficient de l’expérience de Retul et du concept Rider-First Engineered de Specialized. Après l’étude de milliers de profils via la base de données Retul, Specialized a développé des géométries censées s’adapter (avec l’aide des composants Specialized) à toutes les morphologies. L’offre de six peut cependant paraître pauvre quand certains constructeurs en proposent plus de dix, mais je dois dire que je n’ai jamais eu de problème à me poser correctement sur un Specialized.

Des équipements de folie

C’est simple, prenez le vélo de Peter Sagan et faites-en un copier-coller. Voilà, vous êtes fixé sur ce qu’est le Venge S-Works. Une machine de champion où rien n’est laissé au hasard.
Regardez le groupe Dura-Ace Di2, son intégration est maximale. La câblerie est entièrement intégrée dans le poste de pilotage qui reste réglable (c’est la spécificité de Specialized en la matière). Un Dura-Ace Di2 dans sa dernière version R9150, qui bénéficie des leviers à freinage hydraulique les mieux intégrés du marché. C’est simple, on ne sent aucune différence par rapport aux leviers à freinage classique. Petit grief contre Shimano toutefois, on sent que sur la nouvelle génération du Dura-Ace, la qualité est en légère baisse. Le caoutchouc des recouvre-mains est plus fin et nous avons eu un problème avec la poignée droite, les boutons s’étaient bloqués, on constate que certains coureurs pros reviennent aux groupes mécaniques pour des étapes de montagne ou sur les pavés… En dehors de ces petits soucis, le fonctionnement du Di2 est irréprochable et permettra de tirer le meilleur parti du vélo. Le cintre, la potence et la tige de selle ont été détaillés plus haut et sont spécifiques. Si la tige de selle est indissociable du Venge, sachez que vous pouvez monter chaque cintre ou potence du marché. La selle S-Works Power est aussi un pur produit de la marque (comme tout ce qui équipe ce vélo à part le groupe) qui conviendra à un très large public. Son confort est indéniable, parmi la rédaction de Top Vélo, elle fait l’unanimité.
Si un vélo aérodynamique doit pouvoir compter sur des roues à la hauteur, on peut compter sur les Roval CLX 64 que Peter Sagan utilise sur la plupart des courses. Leur jante de 64 mm de hauteur privilégie l’aéro, mais il faudra faire attention en cas de vent latéral… Leurs 1 615 grammes ne les favorisent pas en côte, mais sur le plat vous pourrez compter sur elles. Elles sont dotées de roulements CeramicSpeed, rayons DT Swiss et chaussées des merveilleux Turbo Cotton en 26 mm.

Sur la route

Le Tour de France vient de se terminer lorsque je monte sur ce Venge et j’ai en tête l’image que ce vélo vient de ramener le maillot vert à Paris. Difficile de juger un vélo lorsqu’il est utilisé par les meilleurs coureurs mondiaux. Il faut savoir rester humble.

Connaissant bien le Tarmac, je retrouve mes marques sur le nouveau Venge. Les larges pneumatiques en 26 mm sont étonnants, on ne sent absolument pas cette largeur et j’ai l’impression de rouler sur un diamant tant le toucher de route est bon. Surprenant. Ensuite l’assise, juste parfaite. Je roule depuis 10 ans sur des SMP et je dois dire que la Power est actuellement la seule selle qui pourrait me faire changer… En même temps, on a vu que même Chris Froome l’utilisait (débadgée) sur le Giro !

L’ergonomie du poste de pilotage est très bonne, d’autant plus que j’avais perdu l’habitude de régler précisément la position de mon cintre car la plupart des vélos sont désormais livrés avec des cockpits fixes. À basse allure, je ne sens aucune dureté de la part du vélo, du moins tant que la route est plate. Je trouve même étonnant d’être aussi « facile » avec une telle bête de course. J’augmente le rythme et au fur à mesure que la vitesse s’installe, le vélo ne demande qu’à accélérer. Je lui redonne encore un peu de puissance et ça continue. Sincèrement je ne suis pas arrivé aux limites du vélo, je dirais même que j’en suis très loin. J’ai cependant noté que plus on roule vite, plus il se montre exigeant. C’est bien là qu’il faudra faire attention, car comme il incite à rouler sans cesse à fond, le coup fatal guette. En côte – évidemment ça n’est pas sur ce terrain qu’on attend un Venge – là aussi, on retrouve le même comportement. Dans les relances (ou attaques, c’est à vous de voir) c’est simple, je n’ai jamais trouvé machine plus efficace. Entendons-nous bien, je parle sur 100 ou 200 mètres au maximum. Ensuite on ressent le poids des roues et leur inertie qui rend l’exercice de la grimpette plus difficile.

Mais lorsqu’il s’agit de jaillir, le Venge S-Works est clairement le meilleur vélo du monde. Et je pèse mes mots.
J’ai pu par la suite essayer le vélo avec des roues Roval CLX 50 mm en remplacement des 64 mm et si le vélo devient indéniablement plus facile, lorsque la route s’élève il perd ce qui fait sa spécificité sur le plat. Plus consensuel, plus « normal ». Mais il est indéniable qu’en côte il vaut mieux l’utiliser avec un profil plus bas. Lors de notre séance photo à haute vitesse derrière la voiture, j’avais noté que le vélo bougeait à partir de 70 km/h au niveau de la roue avant, si bien que j’avais du mal à le tenir. En montant une roue de 50 mm, ce comportement disparaît totalement et j’ai pu réitérer la chose jusqu’à plus de 80 km/h sans aucun souci. Le freinage se montre impérial, mais veillez à bien régler la position des étriers pour qu’ils ne touchent pas les disques car je note souvent qu’après la période de rodage, il faut revenir sur ce réglage. Pareil en cas de changement de roues, même si elles sont de la même marque. Quelques mots sur le confort de la machine, surprenant au vu des capacités de mise en vitesse. La flexion de la tige de selle a été étudiée et le poste de pilotage combine admirablement grosse rigidité et absorption des vibrations.

Attention à ne pas trop rêver

N’est pas Peter Sagan qui veut. Et le Venge aura vite fait de vous ramener à la réalité. Capable de vous transcender sur quelques kilomètres, il ne vous fera pas de cadeaux si vos jambes venaient à s’amollir. Même s’il se montre plus docile que par le passé, il ne faiblira jamais et, soyez-en sûr, sera capable de sublimer votre potentiel.

Sur le circuit d’essai Top Vélo


Avec son allure de missile, le Venge promet un temps explosif.  Il est vrai que notre circuit d’essai est assez dur avec des pourcentages élevés, mais sur une distance assez courte. Une machine qui promet de faire mal dans un sprint ininterrompu de 13 km !
J’ai pris le temps de peaufiner ma position, ce qui me permettra certainement de gagner quelques secondes sur le parcours d’essai. Dès le départ, j’ai le sentiment de rouler plus vite qu’avec n’importe quel vélo. Il est vrai que sur la première portion en léger faux-plat, le Venge est sur son terrain de jeu. Je me contente d’appuyer sur les pédales et d’enrouler le braquet de 52 x 11 à un peu plus de 50 km/h. Ça redescend un peu et j’entame la portion en mauvais état juste avant la montée. Le confort est vraiment de très bon niveau, supérieur notamment au Ridley Noah.
Virage à droite, la côte est devant moi. Je reste sur le grand plateau et profite de la rigidité du cadre pour passer en force. C’est à cet instant que les roues se font sentir. Les 64 mm et 1 600 grammes réclament une bonne dose de force lorsque la route s’élève. Je suis à bloc. Léger replat qui me fait récupérer avant d’entamer la seconde partie, plus longue et plus pentue. Un léger vent de dos m’aide, mais je repasse sur le petit plateau. Ici je passe certainement plus lentement qu’avec un super grimpeur comme le Tarmac, mais sur la portion de plat au sommet, la réaccélération est terrible d’efficacité.

Voilà le Venge. Il fait très mal !

Je redescends sur le village du Beausset. Une ligne droite d’environ 500 mètres se profile devant moi avec au fond une grande courbe qui se resserre sur la gauche. Elle requiert un freinage maximal. La puissance des freins à disques me permet de passer avec une grande facilité à cet endroit. À ce propos, avec les disques on découvre un freinage arrière efficace, ce qui permet d’équilibrer parfaitement le vélo lors de freinages appuyés. Dernière montée, je reste sur le grand plateau et je croise la chaîne. Le groupe Dura-Ace fonctionne très bien et ne fait aucun bruit dans cette situation. Le pourcentage est moindre que dans la première montée, je suis bien plus facile. C’est la dernière descente qui ne requiert aucun freinage. Elle est composée de quelques courbes qui se prennent à pleine vitesse. J’adopte une position écrasée contre le vélo pour aller le plus vite possible. Par rapport à une machine plus conventionnelle, je sens que ça va plus vite (je bats d’ailleurs mon record de vitesse dans cette descente) mais il faut rester concentré car avec un peu de vent latéral, je sens l’avant du vélo bouger à cause du très haut profil des roues.

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