Quintana roi du ciel

par | Fév 24, 2020 | Actualité

En triomphant sur le Mont Ventoux dans le dernier Tour de La Provence, le leader du team Arkea Samsic s’est à nouveau affirmé comme l’un des plus grands grimpeurs du Monde. N’a-t-il pas pulvérisé le record de l’ascension jusqu’au Chalet Reynard ? Reléguant l’icône Marco Pantani à 15 secondes, le roi Miguel Indurain à 53 secondes et Lance Armstrong soi-même à une minute 55 ! Quant à Chris Froome et Alberto Contador, grimpeurs pourtant reconnus comme exceptionnels, ils pointent à plus de deux minutes. Qui a dit que Nairo le taciturne était en déclin ?

Dominateur sur le Ventoux et Maitre du Col d’Eze, le Colombien d’Arkea Samsic est redevenu le Condor. Photo : Sirotti

L’histoire du Mont Ventoux est parsemée d’exploits et de drames. Depuis la première ascension sur le Tour de France un lointain 22 juillet 1951, jusqu’à la victoire enthousiasmante de Nairo Quintana le 15 février dernier dans la troisième étape du Tour de La Provence. Les plus grands champions de l’histoire du cyclisme s’y sont confronté. De Louison Bobet à Eddy Merckx, de Bernard Thévenet à Richard Virenque et à Chris Froome. Certains y ont perdu la gloire, sinon la vie. Mais à chaque grimpée du géant métaphysique, le peloton est transporté dans autre univers. Entre montagne lunaire et désert des tartares.
Dans ce contexte géopoétique, l’enfant de Tunja s’est mis en tête de faire de la montagne sacrée des Provençaux son terrain de rédemption. Défiant Froome et Contador puis redonnant vie et sens à sa carrière de grimpeur d’exception par une victoire historique. Celle décrochée lors de l’épreuve reine du Tour de La Provence 2020, entre Istres et le Ventoux.
La ligne d’arrivée, fermeture hivernale oblige, était certes tracée au niveau du mythique Chalet Reynard. Amputant la grimpée de cinq kilomètres. Mais sur la traditionnelle montée de Bédoin, Quintana est parvenu à distancer très vite tous ses adversaires d’aujourd’hui et d’hier. S’adjugeant le fabuleux record jusqu’alors détenu par Marco Pantani. Avec quinze secondes de mieux. Un authentique exploit qui en dit long sur la motivation retrouvée d’un athlète d’exception qui trainait depuis deux saisons sa peine chez les Espagnols de Movistar.
Ce retour au premier plan d’un Quintana, jusqu’alors visiblement négligé par un team tout entier dévolu au culte de l’inoxydable Valverde, vient rebattre les cartes parmi la phalange des grands grimpeurs du Tour de France. Pinot, Bernal, Froome, Pogacar et Evenepoel sont avertis. Le Condor est de retour.

Contador, Armstrong, Schleck, Indurain ou Pantani, Quintana les domine tous. Photo : Sirotti

Après l’évidence de la performance d’exception, vient le moment crucial de l’interrogation sur la place de l’exploit réalisé par Quintana face à la liste des champions qui se sont distingués avant lui sur le Ventoux. Avec en tête Marco Pantani.
Le record du Pirate, 28 minutes et 20 secondes, datait de 1994. A l’époque du team Carrera et de ses vélos acier et alu.
Le record du Condor, 28 minutes et 5 secondes, est établi sur un vélo Canyon Ultimate SLX pesant au bas mot 1 kilo et demi de moins. Avec en prime des roues carbone ultra light proposées par Shimano aux coureurs du team Arkea Samsic.
De plus l’arrivée jugée au Chalet Reynard signifiait pour Quintana la possibilité de tout donner sans rien garder pour la suite. Le contraire exactement de ce qui se passait lors de la performance de Pantani et globalement de tous les autres.
D’ailleurs, voici les 10 meilleurs temps sur le parcours Saint Estève-Chalet Reynard.

  1. Quintana (Tour de La Provence 2020) 28’ 05 
  2. Pantani (Tour de France 1994) 28’ 20
  3. Indurain (Tour de France 1994) 28’ 58
  4. Armstrong (Tour de France 2002) 30’ 40
  5. Froome (Tour de France 2013) 30’ 53
  6. Quintana (Tour de France 2013) 30’ 53
  7. Contador (Tour de France 2009) 31’ 06
  8. Schleck (Tour de France 2009) 31’ 06
  9. Contador (Tour de France 2013) 31’ 13
  10. Fuglsang (Tour de France 2013) 31’ 50

Chris Froome seulement 5eme dans le palmarès des meilleurs temps sur le Mont Ventoux. Photo : Sirotti

A la lecture de ces différents temps il est évident que seuls les grands grimpeurs sont de la fête. A l’exception notable de l’incroyable Indurain qui parvenait à hisser sa carcasse de rouleur sur les plus hauts sommets en imposant un rythme infernal.
Il est tout aussi évident que Nairo Quintana, déjà sublime en montagne lors du Tour de l’avenir 2010, est redevenu lui-même. C’est à dire un grimpeur pur capable des plus beaux exploits en partant de loin. A la Pantani justement. De quoi relativiser les doutes déjà émis par certains. Ceux qui semblent oublier les victoires du Colombien dans le Giro et la Vuelta. Ceux aussi qui confondent suspicion permanente et art du commentaire sportif. Au point d’en faire désormais un fonds de commerce nauséeux.
Côté Colombie, on exulte. Et on règle aussi quelques comptes avec l’aéropage de Movistar dont les voitures sont conspuées au passage des cols. Avec des cris disant « Arkea, Arkea, Arkea… » Histoire sans doute de dénoncer l’incroyable manœuvre d’une équipe roulant sur son leader en pleine attaque pour limiter les écarts et lui interdire une nouvelle victoire dans la Vuelta 2019.
Côté public européen, on espère une confirmation de ce retour au premier plan. Pour un Tour 2020 enfin explosif…
Côté team Arkea Samsic, c’est naturellement la satisfaction. Et l’évidence d’une promesse. Tout sera fait pour accompagner Nairo sur le Tour. Vivement juillet !

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