Mes combats (magiques) au Mont Ventoux

par | Juin 11, 2020 | Point de vue

C’était avec un ami et c’est inoubliable. Jamais je n’oublierai ces dix montées qui auraient peut-être pu être quinze, vingt ou trente. Le sang dans la gorge ne nous faisait pas peur. La douleur était notre amie et on aimait ça…

Le sang dans la bouche, j’ai l’impression d’avoir touché la légende

Héroïque ? Homérique ? Épique ? Le Mont Ventoux a ce pouvoir de transformer les souvenirs en laissant irrémédiablement sa trace dans ma mémoire. Bien que l’ayant grimpé à de très nombreuses reprises auparavant, en compétition et avec des amis coureurs professionnels, il exerçait toujours sur moi une pression importante, quasi surnaturelle. La pression même qui fait souvent perdre les moyens avant une épreuve dans la vie. Car grimper le Ventoux est une épreuve de la vie. Une épreuve qu’on s’inflige délibérément. Une peur qu’on repousse. C’est vrai, pourquoi cette souffrance ? À quoi bon ? Vais-je y arriver ? Vais-je pouvoir affronter cela ? Tant de questions que je me suis posées, encore et encore, alors que j’avais déjà escaladé ce géant des dizaines de fois. Il a toujours été synonyme de record. J’ai définitivement associé cette montagne et son ascension à la recherche du meilleur temps, de la meilleure performance et de la sensation ultime. Ainsi chaque grimpée s’accompagnait d’une minutieuse préparation de l’homme et de la machine.

Mais parfois les rencontres changent les habitudes. Il suffit d’un ami pas trop grimpeur souhaitant améliorer son temps d’ascension pour faire du Ventoux un terrain de jeu. Ou un terrain de guerre. De tous les soirs et de tous les matins. Apprivoiser la pente, se donner encore et encore pour le faire grimper plus vite. Chaque ascension est une progression vers la barre fatidique fixée des 1h10. Jusqu’à ce que cet ami vous lâche. Alors le combat n’en est que plus beau. Il faut se défendre, sans pitié. De bas en haut, des premiers mètres jusqu’à la ligne tout au sommet, la guerre est déclarée. Malheur au plus faible de nous deux.
Malheur à celui qui lâchera le premier.
Bonheur au vainqueur, premier arrivé.
Bonheur partagé.
Plus rien ne sera comme avant, plus rien n’est comme avant. J’ai l’impression d’avoir passé les plus belles aventures que je pourrai vivre dans le Mont Ventoux. Je ne suis pas du genre à regarder en arrière, mais parfois les souvenirs ont un goût fantastique…
Merci Patrick.

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