Au sortir d’une préparation méticuleuse, le Requin de Messine s’est engagé dans le Giro 2020 avec à l’esprit la volonté de parvenir à égaler son idole Felice Gimondi en s’emparant d’un troisième maillot rose. Comme un ultime défi pour un athlète s’étant déjà imposé dans les trois grands tours. Qu’en sera-t-il alors que la jeune génération n’en finit plus de bousculer les vieilles gloires ?

Enthousiasmés par le premier maillot rose décroché par l’extraordinaire Filippo Ganna à l’issue d’un contre-la-montre remporté à plus de 58 km/h de moyenne, les tifosi attendent maintenant un exploit de leur dernier grand champion, Vincenzo Nibali. Toujours aussi jeune et fier à 35 ans passés, le sicilien de Toscane est persuadé d’avoir encore le potentiel et la possibilité de s’imposer dans sa course favorite. Et de rejoindre ainsi les cinq champions vainqueurs du Giro à trois reprises. Giovanni Brunnero, Gino Bartali, Fiorenzo Magni, Bernard Hinault et surtout son idole, Felice Gimondi.

Face à lui et à sa phalange guerrière de la Trek Segafredo, Nibali voit se dresser les deux armadas internationales de ses deux principaux adversaires, la Jumbo Visma de Steven Kruijswjk et la Ineos Grenadier de Geraint Thomas. Et aussi la puissante Michelton-Scott de Simon Yates.

Logiquement la presse transalpine attend un formidable duel entre Nibali et Thomas. Mais l’épreuve, cette année disputée comme le Tour à une date inédite, sera longue et difficile. Avec notamment des étapes de montagne hallucinantes et un parcours globalement plus difficile que celui du dernier Tour.

Autant dire et écrire que les surprises peuvent attendre un peloton qui s’est élancé avec plaisir d’une terre sicilienne ayant accueilli Son Champion avec une passion qui frôle la dévotion. Ce qui ne saurait surprendre si l’on considère que toute l’Italie attend encore le champion des temps nouveaux. Et que seule la Sicile peut encore s’enorgueillir de posséder avec Nibali le successeur du très regretté Felice Gimondi.

Première grande surprise lors de l’étape du mystérieux volcan de l’Etna, le naufrage de Geraint Thomas et la retraite précipitée de Filippo Ganna. Le premier, victime d’une chute, le second de son gabarit de pistard. Avec en prime, l’échec prématuré de Simon Yates et de Steven Kruijswijk, tous deux distancés lors des passages les plus rudes de l’ascension finale. Nibali, toujours à l’avant du groupe de tête, apparaît donc logiquement comme le seul vrai favori. Même si le jeune garde pointe déjà son casque, avec le maillot rose dévolu dès la troisième étape à Joao Almeida. Cyrille Guimard faisant remarquer que depuis bientôt deux ans tous les vainqueurs de grands tours sont âgés de moins de 23 ans.

Le Requin de Messine, sûr de sa forme et de son équipe, préfère sourire de la remarque de l’ancien directeur sportif de Hinault et Fignon. Almeida n’a-t-il pas toutes les peines du monde à suivre sur l’Etna ? Et la suite de ce Giro automnal n’est-elle pas promise à un homme de fer capable d’affronter les pires conditions climatiques lors des redoutables étapes des Dolomites ? Pourquoi douterait-il ? C’est certain il fera tout pour redonner aux tifosi la fierté et l’enthousiasme dans une Italie cycliste quelque peu mélancolique. La crise du cyclisme italien est manifeste, non seulement côté athlètes, mais aussi côté équipes. Le pays du Campionissimo Fausto Coppi et du Pirate Marco Pantani ne possède en effet plus aucun team dans l’élite World Tour. Inimaginable mais vrai.

Alors, même si Nibali ne roule pas sur un vélo italien, l’Italie se console en songeant que le récent Tour de France a vu la spectaculaire bataille menée par les constructeurs italiens. Avec au final la victoire d’un Colnago face à un Bianchi. Ces mêmes marques qui vont encore faire du Giro leur terrain de jeu, comme leurs homologues Pinarello, De Rosa, Bottecchia ou Wilier.

En marge de la conquête du maillot rose, il y a aussi la guerre des sprinters pour le maillot cyclamen du classement par points. Un classement dont le favori n’est autre que le Champion de France Arnaud Démare et son vélo français siglé Lapierre.