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Mes chers amis lecteurs cyclistes,

En ce début d’année, vous me permettrez une digression afin de vous faire part d’une réflexion qui n’a rien de juridique et qui m’est venue à l’esprit un beau matin.

Le comportement des automobilistes en général m’a poussé à me demander si faire du vélo ne nous rendrait pas plus intelligent ? Quelle étrange question me direz-vous. En effet, la blouse ne fait pas le médecin comme la robe ne fait pas l’avocat. En quoi le fait de me déplacer à vélo me rendrait plus intelligent que de me déplacer en voiture ?

Au-delà des bienfaits physiques que peut nous apporter la pratique du vélo, il convient tout d’abord de définir ce qu’est l’intelligence.

Selon le Petit Larousse, l’intelligence est « l’aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances ».

Dès lors, en quoi le fait d’utiliser mon vélo me permettrait de mieux appréhender le monde qui m’entoure, contrairement à l’automobiliste que nous croisons sur nos routes ? La réponse est simple : faire du vélo c’est être en prise directe et permanente avec la réalité qui nous entoure, ce qui est quasiment impossible au volant d’une voiture.

En effet, comme l’écrit Fabrice Hadjaj dans Qu’est-ce qu’une famille ? : « Celui qui a poussé de lourdes portes et celui qui n’a connu que des ouvertures automatiques, celui qui a labouré un champ et celui qui a appuyé sur des boutons, n’ont pas exactement la même représentation de la consistance et de la résistance du donné naturel ; et ce n’est pas sûr que ce soit celui qui bénéficie de la plus haute technologie qui bénéficie de la représentation la meilleure. »

Mon ami Salvatore ne me contredira pas, c’est quand l’Art est proche de la Nature qu’il fournit au penseur les concepts les plus réalistes et les plus profonds. C’est l’art du cycliste qui nous laisse entrevoir ce qu’est le mystère du monde mieux que toutes les théories scientifiques.

C’est pourquoi je considère que celui qui se déplace à vélo dispose d’une vision plus profonde, plus sensible, plus métaphysique du réel, que celui qui utilise tous les jours sa voiture munie de tout le confort nécessaire dans un habitacle aseptisé, insonorisé et climatisé. Faire du vélo, c’est abandonner momentanément un cadre de vie trop normatif, c’est rompre avec un ordinateur dépourvu d’échange, c’est quitter le monde virtuel pour embrasser le monde réel, c’est quitter sa voiture impersonnelle, c’est enlever sa chemise sans pli.

Pour paraphraser Saint-Exupéry, nous pourrions dire que le vélo ce n’est pas une fin, c’est un moyen. Ce n’est pas pour le vélo que l’on risque sa vie. Ce n’est pas non plus pour sa charrue que le paysan laboure. Mais grâce au vélo, nous quittons nos Cités pour retrouver une vérité paysanne, celle d’avant-guerre qui fleurait bon la France authentique, celle que nous redécouvrons sur nos petites reines…

Le regard du cycliste serait donc plus profond. Mais plus profond sur quoi ?

Sur le monde qui nous entoure, soit. Mais aussi et surtout sur nous-même, c’est-à-dire sur notre égo trop souvent surdimensionné et invalidant. À vélo, toutes les vertus se retrouvent, notre quotidien se construit à chaque coup de pédale dans la douleur et l’adversité, mais avec bonheur. Pas une sortie sans enseignement. Pas d’enseignement sans répercussion dans sa vie.

Le vélo est une thérapie de groupe ou isolée. Le vélo nous permet de lutter contre la monotonie, la routine, le confort du quotidien. Il est également un traitement efficace contre la déshumanisation qu’engendrent nos chers ordinateurs et autres téléphones mobiles. On redécouvre finalement la saveur existentielle.

En voiture, mes amis, nous sommes souvent métamorphosés. Régulièrement machos, nous ne sommes ni bienveillants ni galants, encore moins aimables, pour ne pas dire irritables. Nous ne pensons qu’à nous, comme si nous étions seuls au monde. En vélo, point d’illusions, point de mensonges. Vous voilà livré à vous-même, offert en pâture à Mère Nature. Dieu seul sait à quelle sauce vous finirez mangé par les éléments qui se déchaîneront contre vous.

Mais malgré tout, l’Aventure demeurera au bout de la rue. À la portée d’un simple coup de pédale.

Cet obscur objet du désir nous ramène vite à nos limites et à celui que nous sommes réellement : un simple individu à deux roues.

Le vélo a cela de merveilleux qu’il nous reconnecte au monde, nous rouvre l’esprit, nous apprend à nous connaître. Il est inscrit au fronton du temple de Delphes érigé en la mémoire du dieu Apollon :

« Connais-toi toi-même et du connaîtras l’Univers et les Dieux. »

Pour ouvrir notre intelligence au Monde, regardons-nous tels que nous sommes et sans hésitation, enfourchons notre monture et, « quelqu’apparence pitoyable que vous lui trouviez parfois, ne plaignez pas le cycliste : enviez-le. Il a découvert que le tapis volant et les bottes de sept lieux des contes existaient bel et bien et, par la même occasion, le sérum de longue vie. »

Jacques Faizant, Albina et la bicyclette

Pascal Consolin, Avocat au Barreau de Marseille –  04 91 13 44 34 – www.burzio-consolin-avocats.fr

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