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Le sprint : Qui s’y frotte s’y pique

par | Juin 11, 2020 | Juridique

Que penser d’un coureur qui, à l’occasion d’un sprint final, éjecterait littéralement son concurrent après avoir joué des coudes et des épaules ?

Peut-on considérer cet évènement comme faisant partie des règles du jeu ou doit-on imaginer qu’il s’agit là d’un acte volontaire destiné à écarter un concurrent direct ?

Tour de Suisse – 2010 – © Sirotti

La Cour de Cassation a récemment été saisie d’une affaire dans laquelle un coureur cycliste, victime d’un accident, a décidé d’engager une procédure afin d’être indemnisé par le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d’autres Infractions, considérant que l’auteur de l’accident avait agit à son encontre volontairement.
Cette procédure n’a pu malheureusement aboutir alors que la victime avait été gravement blessée.
Si cela est éminemment regrettable pour ladite victime, la question juridique, elle, ne souffre en revanche d’aucune contestation.

Revenons sur les faits
À la suite d’un sprint, une chute collective s’est produite et de nombreux cyclistes vont se trouver blessés plus ou moins sérieusement.
La victime avait été écartée par un coureur qui avait décidé de forcer le passage en se servant des coudes et des épaules.
Afin d’espérer être indemnisé, en saisissant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions Pénales, encore eût-il fallu que la victime démontre que le fait dommageable présentait le caractère matériel d’une infraction (article 706-3 du Code de Procédure Pénale).

Pour écarter la demande de la victime, la Cour de Cassation a précisé que les dispositions légales relatives à l’indemnisation des victimes d’infraction ne sont applicables entre concurrents d’une compétition sportive qu’en cas de violation des règles du sport pratiqué.

Cette violation constituerait alors une infraction pénale répréhensible.

Ce raisonnement est également retenu à propos de la responsabilité des associations sportives et du fait de leurs membres ou la Cour de Cassation dans un arrêt de principe du 29 juin 2007, avait énoncé que la responsabilité d’un des membres peut exister dès lors qu’une faute caractérisée est démontrée par une violation des règles du jeu qui serait imputable à un ou plusieurs des membres même non identifiés.

Dans le cas qui nous occupe, s’il est évident que le coureur incriminé a eu un comportement dangereux, il convient de ne pas oublier que toute compétition sportive comporte une part d’agressivité et que d’autre part, une course cycliste a pour finalité que l’un des concurrents arrive le premier.
Jouer des coudes et des épaules n’était donc pas considéré comme un acte volontaire susceptible de caractériser une infraction.

L’infraction pénale ne peut être retenue que si véritablement il y a volonté de la part de l’auteur de faire chuter la victime.
Cependant, la limite entre la volonté de faire chuter la victime et écarter celle-ci pour passer devant par des moyens parfois discutables, est ténue.

La Cour de Cassation estime cependant qu’il ne s’agit pas d’une infraction volontaire et les blessures qui s’en suivent sont souvent caractérisées, en cas de violation des règles, comme des infractions involontaires.

Doit-on approuver la position retenue par la Cour de Cassation ?

L’arrivée d’une course au sprint est souvent très spectaculaire.
De nombreux coureurs lancés à toute allure se frottent, jouent des coudes, de la tête et des épaules, dans le but de gagner la course.

En outre, lancer sa machine à vive allure, ne peut se faire qu’en danseuse et dans un déhanchement nécessairement dangereux.
Considérer que ce comportement a pour but de nuire à autrui, reviendrait à annuler totalement l’objet même de la course : gagner par tout moyen.

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