Henri Sannier, qui a fait partie du PAF durant plusieurs décennies, a désormais pris sa retraite. On l’aura notamment vu présenter le 19/20, le JT de 20hpour finir par Tout le sport. Il a aussi commenté le Tour de France, son rêve de gosse.
Ce passionné de sport et de cyclisme qui voulait devenir champion cycliste, comme son idole Jacques Anquetil, s’est confié à Top Véloil y a quelques semaines à l’occasion de la Ronde Tahitienne.
Dialogue autour de sa carrière, du cyclisme évidemment, et de sa nouvelle vie…
Alexandre Lombardo : Henri, parlons journalisme. Vous êtes un journaliste international, vous avez interviewé des présidents, présenté le journal télévisé pour terminer votre carrière par le sport. Parlez-moi de votre passion du sport et du cyclisme au travers de votre métier de journaliste.
Henri Sannier :
Ma passion du sport est arrivée très tôt. J’avais six ou sept ans, j’étais à l’école primaire et mon instituteur à Eaucourt-sur-Somme nous a un jour demandé ce que nous voulions faire plus tard.
J’ai répondu journaliste pour commenter le Tour de France. La création d’Europe 1 m’avait marqué et je savais déjà où je voulais aller.
Encore aujourd’hui lorsque je croise mon instituteur qui a bien vieilli, il me reparle de ça et me félicite pour ma carrière.
Alexandre Lombardo : Le journalisme au travers du cyclisme, donc ?
Henri Sannier : J’aurai rêvé de devenir coureur cycliste mais j’ai dû me rabattre sur autre chose. D’abord parce qu’un vélo coutait cher. Nous étions quatre enfants et nos parents ne pouvaient assumer l’achat d’un vélo de course. Alors vers l’âge de 15 ans, j’ai pu avoir un premier vélo et faire quelques apparitions, mais mon esprit était déjà tourné vers le journalisme. Je me suis inscrit à l’école supérieure de journalisme de Paris qui était la seule école accessible financièrement et sans examen à l’entrée (rires).
Alexandre Lombardo : Pourquoi cette orientation vers la télévision ?
Henri Sannier : J’étais plus fasciné par la radio et la télévision que par la presse écrite. Je n’étais pas le meilleur en composition ou rédaction quand j’étais à l’école, donc mon obsession c’était de parler à la télé ou à la radio. Sans savoir si j’allais pouvoir concrétiser ce rêve. D’ailleurs j’étais loin d’être le meilleur mais je travaillais beaucoup. J’avais toujours des petits cahiers avec moi et je notais absolument tout.
J’ai vécu Mai 68 en indépendant. Pendant que d’autres allaient aux manifs, moi je faisais les articles. Je vivais cet instant intensément car ma sœur était un peu gaucho, elle allait manifester à Nanterre et moi j’étais dans le Quartier latin où ça castagnait beaucoup.
Alexandre Lombardo : Comment avez-vous vécu ces instants ?
Henri Sannier :
En journaliste.
Je regardais, car je n’étais absolument pas militant. Je suis plutôt gaulliste. On dit souvent que les journalistes et plus particulièrement les Parisiens sont des gauchos, mais je ne l’ai jamais été. Mon père était un fervent gaulliste et de mon côté je ne me posais pas de questions. J’ai été élevé dans le culte du Général et le jour où il a été battu, mon père est descendu à la mairie (le père d’Henri Sannier était maire d’Eaucourt-sur-Somme de 1953 à 1977 et Henri Sannier a pris la relève de 1977 à aujourd’hui) et a ramené son portrait à la maison, si bien qu’on saluait le Général en passant devant !
Alexandre Lombardo : Quand votre carrière a décollé lorsque vous étiez à France 3 Caen, comment mêliez journalisme et sport ?
Henri Sannier :J’avais la flamme du journaliste avant toute chose. Le sport était un rêve, mais ce que je souhaitais plus que tout c’était être journaliste. Et je l’étais.
Alors j’avais des passions et je suivais le Giro, le Tour de France, les Championnats de monde ou les Quatre Jours de Dunkerque. Et lorsque j’ai commencé à présenter le JT, j’avais toujours quelques mots pour les résultats des courses cyclistes. Ce qui faisait pas mal rire à l’époque, d’ailleurs. Mais lorsqu’il y avait des courses, je gardais toujours quelques mots à la fin du journal pour en parler. C’est peut-être ce qui a donné l’idée à mes patrons de me faire confiance lorsque je présentais
Tout le sport…
Je partais du principe que le sport était une actualité comme les autres. Il faut arrêter de nous gonfler tous les jours avec les news politiques ou sociales !
Le sport a autant d’importance ! Même s’il faut évidemment en parler, entendons-nous bien je n’ai rien contre la politique et le social, mais le sport et la culture sont des sujets à part entière.
Alexandre Lombardo : En associant politique et sport, quand Nicolas Sarkozy qui est un passionné de sport et de cyclisme a été élu président en 2007, cela a changé quelque chose chez France Télévisions ?
Henri Sannier : Non. Je connais bien Nicolas Sarkozy pour l’avoir rencontré bon nombre de fois sur des manifestations sportives mais ça n’est pas un président de la République qui fait changer la télé, quel qu’il soit. Après, tout dépend qui est patron du groupe. S’il doit son poste au président, alors là… Mais les journalistes, les vrais, sont des rebelles dans l’âme, ils ne se laissent pas faire !
Alexandre Lombardo : Quel président de France Télévisions vous a marqué ?
Henri Sannier : J’ai débuté à l’ORTF en 1970 je crois, donc ça fait plus de 40 années. J’en ai vu passer des présidents en quatre décennies ! Je garde une place particulière pour Claude Contamine qui m’a fait entrer. Il n’avait pas forcément bonne presse, mais je lui dois beaucoup de choses.
Je pense aussi à une femme, Janine Langlois-Glandier. Sans elle je n’aurai pu percer. Elle est venue me chercher lorsque j’étais chez FR3 Caen où je faisais le journal le week-end, et m’a convaincu de créer le 19/20.
Alexandre Lombardo : Elle a dû vous convaincre ?
Henri Sannier : Oui parce que je ne voulais pas y aller, j’étais bien à Caen. J’étais le patron, j’avais 80 personnes sous mes ordres, je faisais ce que je voulais.
Puis j’ai cédé et je suis arrivé à Paris. Je me souviens des premiers mois de diffusion, c’était une catastrophe.
Je m’étais dit je vais faire le
20h avant l’heure, vous allez voir… mais les donneurs de leçons parisiens n’admettaient pas qu’on puisse faire un journal avant l’heure.
Le début fut donc très difficile et madame Langlois m’a toujours soutenu, elle croyait en moi et m’a donné les moyens de réussir.
On présentait le journal en bras de chemise, les gens trouvaient ça marrant, nous trouvaient plus proche d’eux. Et surtout on ne se prenait pas au sérieux.
C’est grâce au 19/20 qu’on m’a ensuite sollicité partout. Sur la 5, la 6 et aussi TF1. J’ai finalement choisi la 2 parce que je ne voulais pas quitter le service public auquel je suis très attaché.
Alexandre Lombardo : Vous avez continué la pratique du vélo à cette époque où votre carrière de journaliste-présentateur battait son plein ?
Henri Sannier : J’ai toujours fait du vélo. C’est ma façon de m’échapper, de rêver et de me dire regarde, tu aurais pu être champion, qu’est-ce que tu es bon ! J’aurai vraiment adoré être un champion cycliste. Mais pas n’importe quel champion. Quand j’étais gamin, je ne m’identifiais pas à Poulidor. C’était Anquetil, je n’ai jamais été poulidoriste. Lorsque j’étais jeune, j’étais capable d’aller le voir courir à 80 km s’il le fallait.
Et j’ai eu la chance de le rencontrer et de commenter avec lui des épreuves cyclistes.
La concrétisation d’un rêve !
Alexandre Lombardo : Et du rêve à la réalité ?
Henri Sannier : Je n’ai pas été déçu, c’était un grand monsieur. Pas un homme à qui on tape dans le dos, vraiment un grand monsieur. Grand style et très intelligent, il savait trouver les mots en toute circonstance.
Anquetil était et est toujours une icône. Quand on le rencontrait on n’avait pas envie de lui taper la bise et de lui dire salut Jacquot, non c’était maître Jacques. Il est incomparable.
Prenez Hinault qui est aussi une icône, c’est un homme du peuple, un teigneux. Anquetil sublimait le cyclisme par son style, comme Fausto Coppi. Avec Hugo Koblet, c’étaient des hommes extraordinaires, naturellement beaux sur le vélo et d’une efficacité incomparable.
Alexandre Lombardo : Il y a des coureurs qui vous ont fait rêver ces quinze dernières années ?
Henri Sannier :À un moment j’étais fan d’Armstrong. J’étais même un grand fan de Lance. Bon il m’a beaucoup déçu quand j’ai appris ce qui est arrivé. Cela étant dit, je ne lui jette pas la pierre. Ce qui était gênant chez lui, c’était l’arrogance de l’Américain.
Mais j’étais devenu complice avec lui et cette arrogance était externe. Il se protégeait de cette manière. Je l’ai vu plusieurs fois partir à la fin d’étapes sur le Tour pour aller voir des enfants malades à l’hôpital, sans journalistes.
Quand je lui demandais des directs il était présent, arrivait toujours 10 secondes avant le début de l’émission et faisait son job. Les stars qui arrivent 10 minutes après le début de l’émission ne sont pas des stars, pas des pros. Et lui était pro dans tout ce qu’il faisait, ce qui ne l’empêchait d’aller voir des gamins malades le soir. Son engagement contre la maladie était réel.
Alexandre Lombardo : On connait Armstrong le communicant, pourquoi ne rendait-il pas publiques ces visites ?
Henri Sannier : Il le faisait dans l’ombre parce qu’il n’avait pas à le dire. Il avait vécu un cancer et s’était retrouvé tout seul. La pudeur touche même les plus grands.
Aujourd’hui les gens lui en veulent de s’être dopé mais ne voient pas le reste.
Je lui en veux aussi de s’être dopé, mais cet homme a vécu tant de choses. Il a été métastasé au cerveau, et des tas d’autres trucs. À sa place je ne sais pas si je n’aurais pas fait ça. Il avait un besoin de revanche sur la vie. Je ne cautionne pas le fait qu’il ait triché et je ne le cautionnerai jamais.
Mais à mon avis, c’était quand même le plus fort. Le plus dur au mal dans les combats, il avait une façon de pédaler extraordinaire, fabuleuse. On retrouve un peu ça chez Froome, mais sans la puissance d’Armstrong. Lance avait la classe et la puissance, c’était un très grand champion. J’aimerais beaucoup le revoir.
Alexandre Lombardo : Nous sommes à Tahiti pour participer à une cyclosportive (la Ronde Tahitienne), épreuve qui met sur la même ligne de départ des cyclos et de vrais coureurs. On voit de plus en plus de dérives dans les pelotons de ces cyclos avec certains cyclistes qui prennent des risques insensés pour une victoire. Que pensez-vous de l’esprit cyclosport ?
Henri Sannier :
Le vrai problème c’est que les gens comme vous et moi, il n’y en a plus beaucoup… À croire que certains ne s’épanouissent que par le biais d’une carrière cycliste – ratée – et les cyclosportives sont pour eux un moyen de gagner facilement. Je suis certain que dimanche, ça va partir à bloc dès le départ (effectivement, ndlr). Nous sommes à Tahiti, la Ronde Tahitienne est une épreuve exceptionnelle et personne ne va profiter du paysage et de la vue magnifique sur l’océan Pacifique. C’est navrant…
Alexandre Lombardo : Comment se passe la vie d’Henri Sannier retraité ?
Henri Sannier : Je fais plein de choses. Je suis maire depuis 42 ans, mais ça c’est mon jardin secret. Je le fais par passion, j’aime mon village et mon père était maire avant moi. Je prends donc cette fonction à cœur et je le fais en pensant à lui.
J’ai maintenant bien plus de liberté pour m’occuper de ma commune, mais même lorsque je travaillais à France Télévisions, je prenais du temps pour gérer mon village. Avec Internet, on fait des merveilles !
Je passe beaucoup de temps avec ma famille. Vous savez, je suis une personne simple et j’ai besoin de peu de choses pour être heureux. J’ai l’esprit familial.
Contrairement au petit monde parisien dans lequel j’ai pu évoluer pendant plusieurs années, je ne passais pas mes week-ends à faire du bateau je ne sais où, ou des repas dans des restaurants de luxe. Je rentrais dans ma commune avec ma famille et on partait en week-end ensemble, en voiture.
On est dans un monde étrange, je compte sur mes vrais amis, ceux qui ont des valeurs.
Quand j’étais à Paris, j’avais fait avec l’un de mes amis un jardin chez moi, à Eaucourt. Et je remontais la semaine avec mes légumes. J’étais heureux !
Et je le suis toujours aujourd’hui, surtout sur mon vélo !