Froome, stop ou encore ?

par | Mai 20, 2021 | Point de vue

Le quadruple vainqueur du Tour de France traine sa misère depuis des mois. A l’instar de Valentino Rossi en Moto GP, le champion semble n’en plus finir de se bercer d’illusions. De toutes parts affluent les conseils, les critiques, les condamnations et même les encouragements. Meurtri mais toujours sûr de lui, Froomey s’accroche à ses rêves de grand retour. Pathétique ou courageux ?

Chris Froome

Le maillot a changé, le bleu et blanc d’Israël Start-Up Nation succédant au noir et rouge d’Ineos Grenadier, mais l’attitude demeure. Chris Froome promène sa lancinante silhouette d’échassier mélancolique au cœur d’un peloton qu’il a si longtemps dominé. Un peloton soudainement devenu hostile. Organisme déchainant ses anticorps pour rejeter cet agresseur autrefois invincible.

Victime d’un terrifiant accident lors de la reconnaissance du Critérium du Dauphiné 2019 le Kenyan blanc est relevé avec des blessures gravissimes qui font craindre le pire. Fracture ouverte du fémur, fracture du coude, fracture d’une vertèbre et du sternum, fractures multiples des côtes, hémorragie lui faisant perdre deux litres de sang, perte de connaissance. Sa carrière semble terminée. La tragédie succédant à la gloire.

Mais contre toute attente, le futur ex-leader de Sky-Ineos annonce son retour début 2020. Dans un univers frappé par la pandémie de Covid 19, ce retour aux affaires peut laisser dubitatif. D’autant que les désillusions succèdent aux désillusions. A commencer par une non-sélection pour le Tour suivie de l’annonce de la non-reconduction de son contrat par le surpuissant mais désormais méprisant team Ineos. Il faut dire que la performance n’est pas au rendez-vous. Le formidable athlète, en dépit d’une rééducation acharnée et d’un plan d’entrainement drastique, ne parvient plus à retrouver son niveau. Pire encore, il devient abonné aux derniers rangs. Pitoyable image d’un immense champion courant après son ombre. Celle d’un septuple vainqueur de grands tours ne parvenant même plus à suivre les derniers.

Évidemment remontent à nos mémoires de passionnés du cyclisme historique, les images de Fausto Coppi ou de Louison Bobet incapables de retrouver leur niveau après des accidents dramatiques. Évidemment, les critiques assassines se multiplient sur des réseaux sociaux qui de toute manière n’ont jamais été tendres avec le champion britannique. Évidemment encore, c’est du peloton lui-même que montent les critiques les plus virulentes. Mais tel un moine soldat n’hésitant pas à affronter les vents contraires d’un destin impitoyable, Chris le métaphysique persiste dans sa décision de retour. Chaque séance d’entrainement, souvent partagée avec son ami et voisin monégasque Philippe Gilbert, devant la rapprocher de son but ultime. Redevenir Froomey en se réinventant.

Côté matériel déjà, il a dû renoncer à ses magnifiques et efficaces montures signées par les artistes de Pinarello. Renoncer aussi au freinage à patins et au pédalier ovoïde O’Symétric de son ami biomécanicien Jean-Louis Talo. Il utilise désormais un vélo Factor et un groupe Shimano à freinage disques. Rien de rédhibitoire, mais de quoi troubler une sérénité fragile et des automatisme acquis au fil des saisons.

Qu’à cela ne tienne, Chris le perfectionniste s’adapte peu à peu à son nouvel environnement technique. D’autant qu’il est parvenu à obtenir la latitude d’utiliser à nouveau les plateaux O’Symétric qui lui permettent de retrouver, sinon sa cadence de pédalage infernale, du moins son coup de pédale. Désormais c’est le seul physique qu’il doit reconstruire.

Course après course, avec l’acharnement romantique d’un lecteur de Thomas Edward Lawrence, il reprend le chemin de Damas qui doit le mener à la reconquête. Donnant consistance à ce que le Campionissimo Fausto Coppi nommait avec assurance « la négation du réel ». Ou mieux encore, reprenant la maxime chère à Lawrence : « écrire soi-même chaque chapitre du grand livre de son destin… »

Chris Froome
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