Il n’a que 21 ans mais toute la Belgique voit déjà en lui le successeur du grand Eddy Merckx. Le brabançon Remco Evenepoel ne se préoccupe guère de ce que l’on pense de lui. Même si la comparaison avec son idole ne lui déplait pas. Il en convient d’ailleurs en souriant effrontément avec l’assurance d’un jeune prince qui ne craint rien d’autre que lui-même. C’est à dire le destin. Ce destin qu’il considère tour à tour comme son allié ou son ennemi.

D’abord jeune footballeur de talent, il est très vite remarqué par le marathonien Fred Vandervennet qui deviendra son premier entraineur. Option cyclisme cette fois. Avec une réussite qui frôle l’insolence. Le gamin est doué pour tout. Côte, plat, sprint, tout est bon pour vaincre. Et même « survaincre » tant est impressionnante sa supériorité.

Remarqué par le génial Patrick Lefevere, Remco passe professionnel au sein de la « Wolfpack » Deceuninck-Quick Step. Il n’a que 19 ans lors de sa première saison. Et il marque immédiatement les esprits en s’adjugeant la Classica San Sebastian et le titre de Champion d’Europe du contre la montre.

En 2020, pour sa seconde saison pro, le nouveau petit prince semble parti pour affoler les compteurs. Il gagne partout et sur tous les terrains. Dans les chronos il domine Filippo Ganna et Rohan Dennis. En montagne il survole ses adversaires. Lorsque survient le drame du mur de Sormano, le 15 aout, il semble évident qu’il va remporter le Tour de Lombardie. Au sommet il a fait signe à Lefevere que tout va bien et qu’il va vaincre. Geste fatidique remarqué par le vieux Vincenzo Nibali qui se sent offensé par ce jeune loup arrogant. De quoi lui donner la hargne de se lancer dans l’impressionnante descente à une allure folle. Pour réaliser une fois encore une « Nibali ».

Deux virages plus loin Remco perd le contrôle de son vélo, percute le muret de pierre et bascule dans le vide. Il s’écrase dix mètres en contre-bas. Prostré, brisé, il est évacué par les secouristes vers l’hôpital de Côme. Diagnostic réservé des médecins. Avec au minimum des fractures du bassin et des problèmes vertébraux et pulmonaires. L’aventure du prodige serait-elle terminée ? Comme autrefois celle d’un autre prodige nommé Roger Rivière…

Le doute saisi la communauté cycliste. Remco Evenepoel, troisième au nombre de victoires pour une saison 2020 brutalement interrompue sur le chiffre de 9, pourra-t-il un jour épingler un nouveau dossard ? Et surtout quel sera alors son niveau face aux monstres que sont Bernal, Van Aert, Van der Poel, Alaphilippe, Ganna ou Roglic ?

Début de réponse sur le Giro 2021, la mythique course à étape dont il devait être le favori en 2020 sans cette maudite chute de Sormano. Cette fois il ne doit s’agir que d’une modeste et humble reprise après 266 jours sans compétition. Mais comment freiner un champion tel que Remco ? Dès le prologue contre la montre il ne cède que 10 secondes à Ganna. Et il est ensuite de toutes les batailles. Émergeant toujours au bon moment après avoir été protégé par sa garde bleue. On le voit déjà maillot rose. Au coude à coude avec Egan Bernal. Les deux se tenant en quelques secondes.

Durant sa très longue absence, Remco s’est longuement et durement entrainé. D’abord en Espagne avec son équipe, puis en solitaire sur les pentes du Teide aux Canaries. S’imposant des séances dantesques, récupérant pour mieux progresser. A l’écoute des bruits lointains d’un peloton qui ne l’attendait pas. D’abord difficile, la reprise du jeune loup va peu à peu étonner son équipe. Remco pourrait bien redevenir Remco.

Patrick Lefevere avoue lui-même sa surprise devant l’incroyable talent et l’inébranlable volonté de son poulain. Même si son expérience le pousse à relativiser et à calmer le jeu. Le Giro est encore long. Avec une troisième semaine dantesque à l’horizon. Et des sommets redoutables, bien plus rudes que ceux du Tour. Le Zoncolan en juge de paix.