De Fiorenzo Magni à Gianni Motta, de Michele Dancelli à Eddy Merckx, de Tony Rominger à Johan Museeuw, de Michele Bartoli et Thomas Voeckler à Tadej Pogacar, il a construit des vélos de rêve pour les plus grands champions de l’histoire du cyclisme. Imposant systématiquement ses choix et ses innovations à un milieu conservateur trop souvent recroquevillé sur ses certitudes.

Le premier vélo carbone à gagner Paris Roubaix c’est lui. Comme le premier vélo aéro ou le premier vélo à fourche droite. Des sentiers boueux du cyclo-cross aux pistes de bois du record de l’heure et aux cols du Tour de France ou du Giro d’Italia, les vélos imaginés et réalisés par Ernesto Colnago ont tout gagné depuis 1954. Et ils continuent de le faire. Même si depuis quelques mois le Maestro n’est plus aux commandes de sa marque. L’héritage est préservé. La réputation illustrissime intacte. Et les défis se poursuivent. Avec l’annonce d’un probable nouveau chef d’œuvre pour les semaines ou les mois à venir.

Depuis son village de Cambiago, devenu en près de sept décennies l’équivalent de Maranello pour l’automobile, le vieil artiste porte un regard toujours aussi avisé et passionné sur le cyclisme. Fier d’avoir annoncé l’avènement du prodige Pogacar à ses amis, avant même qu’il ne remporte son premier Tour de France. Fier surtout de voir ses vélos demeurer des objets de désir pour des milliers de fans partout dans le Monde. Donnant à la marque au trèfle la dimension de celle de son ami Enzo Ferrari.

Inventeur génial, précurseur incontesté, artisan orfèvre, Ernesto Colnago est un homme à l’ancienne. Fidèle en amitié. Généreux. Attachant par son incroyable simplicité. Capable de prendre place dans le fourgon d’assistance lors d’un press-camp de manière à être au plus près des journalistes testeurs. Capable aussi de prendre des nouvelles de tel ou tel ami, moi en l’occurrence, en prenant pour prétexte un mot de remerciement pour un article élogieux. Prendre place face à lui dans son légendaire bureau, parcourir avec lui son musée personnel, partager avec lui un repas toscan, évoquer avec lui son héros Fausto Coppi, s’insurger avec lui face aux excès du marketing, pleurer avec lui la disparition de son frère Paolino, dialoguer avec lui et Valentino Campagnolo, rêver en quelque sorte. Toujours plus loin et plus haut. Alors bel anniversaire cher Ernesto !