Du cyclosport et de l’imaginaire

 

« La Granfondo doit être un prétexte à se divertir. Celui qui participe ne doit pas être animé par la seule préoccupation d’un départ à 50 à l’heure en risquant souvent une chute inutile. En Italie les GF ont remplacé les courses amateur. On a ainsi perdu l’esprit avec lequel devrait être affronté ces évènements sportifs de divertissement. »

C’est l’ancien double Champion du Monde et vainqueur du Giro, Gianni Bugno qui s’exprime ainsi. Manifestant son désenchantement face au nouveau visage pris par l’immense majorité des épreuves cyclosportivces dans son pays. Cette Italie qui inventait le cyclosport voici quatre décennies. La déviance dénoncée par la star italienne est hélas désormais présente partout en Europe alors même que la notion de cyclosport touche au phénomène de société avec par exemple, 130 épreuves officielles FFC en France.

Depuis une quarantaine d’années déjà, le cyclo sport et la pratique cyclo sportive du vélo sont effectivement devenus un authentique phénomène de société. Avec des épreuves cyclo sportives, baptisées le plus souvent Granfondo à l’image du modèle Italien, rassemblant chaque semaine des dizaines de milliers de pratiquants et pratiquantes partout dans l’hexagone comme partout en Europe et dans le Monde. Une vague de fond à la fois sportive et culturelle qui change la vision des choses du vélo trop longtemps confinées à la seule pratique compétitive voire à la ringardisation sociale.

Ne serait-ce la perversion de la victoire à tout prix, il n’y aurait qu’à se réjouir lorsque l’on est comme nous passionné de cyclisme. Mais la perversion existe. De plus en plus présente. De plus en plus forte. De plus en plus insupportable lorsque l’on sait que pour prétendre être classé dans les 100 premiers d’une  cyclo il est nécessaire de s’astreindre à un entrainement de plus en plus exigeant et proche de ce que pratiquent les vrais cyclistes de haut niveau. Autant dire et écrire que le cycliste qui travaille quotidiennement, vous et moi, n’a quasiment aucune possibilité de s’offrir 4 ou 5 sorties hebdomadaires de 3 à 5 heures en plus de la course dominicale. Et donc aucun espoir de bien figurer. Puisque, ainsi que le disait à juste titre Louison Bobet, le Champion c’est 80% d’entrainement et 20% de talent.

Alors il nous faut saluer ces organisateurs intelligents qui décident désormais de tirer au sort les récompenses et de ne plus les attribuer aux seuls vainqueurs qui doivent se contenter pour leur part d’une coupe et d’un bouquet. Et il nous faut aussi saluer l’initiative du Challenge Assurances Vélo qui distingue les participants plutôt que les vainqueurs, réinventant ainsi l’esprit cyclosport. Comme un imaginaire tout entier contenu dans le beau livre de mon confrère Olivier Haralambon, « Le coureur et son ombre ». Un bréviaire que je conseille aux plus excités d’entre nous.

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