Disques ou patins, la guerre du poids !

par | Déc 1, 2020 | Editos

Depuis l’origine du sport cycliste, la quête du poids minimum est une constante qui relève tout à la fois de l’évidence et du lieu commun. Depuis l’acier et l’acier spécial jusqu’à l’aluminium, le duralumin, le titane et le magnésium, jusqu’au carbone et ses dérivés, tous les matériaux ont été utilisés pour tenter de faire baisser de façon significative le poids des vélos de course. Mais voilà qu’aujourd’hui, avec l’apparition du freinage disques sur les vélos de route, l’histoire pédale à l’envers. Nos vélos sont de plus en plus lourds !

Patinvsdisque

« Light is right » disait constamment le génial Colin Chapman pour expliquer le succès de ses merveilleux bolides siglés Lotus.
« Piu leggero è meglio, » énonçait régulièrement le Campionissimo Fausto Coppi en parlant de ses nouveaux vélos avec son mécano-artiste Pinella De Grandi.
« Je veux le vélo le plus léger possible » expliquait le grand Jacques Anquetil au moment de commander un nouvel engin de contre la montre à l’inoubliable Faliero Masi.
« Voglio sapere perché la mia nuova bici è cosi pesante … (Je voudrai savoir pourquoi mon nouveau vélo est aussi lourd » diraient certainement Coppi et Anquetil en prenant possession d’un vélo d’aujourd’hui.

Paradoxe étrange, bien ressenti par notre rédaction et une majorité de nos lecteurs, que ces nouveaux vélos à freinage disques bien plus lourds que leur version à patins. Quelle que soit la marque ou le montage, difficile voire impossible actuellement de trouver dans les gammes des différents constructeurs des machines pesant moins de 7 kg, sinon même 7,5 kg. Sauf peut-être chez Specialized et Canyon.
En moyenne une version à freinage disques va couter un surpoids avoisinant les 800 à 900 grammes. Logique pour certains, absurde pour d’autres, mais incompréhensible pour les coureurs qui ont du mal à accepter ce retour en arrière. Témoin de ce malaise et de cette quasi rupture entre les constructeurs et leurs coureurs, le fait que les vainqueurs des trois Grands Tours 2020 aient tous préféré les patins aux disques.
Pogacar et son Colnago sur le Tour.
Geoghegan Hart et son Pinarello sur le Giro.
Roglic et son Bianchi sur la Vuelta.

Fausto Pinarello
Colnago V3RS de Tadej Pogacar

Évidemment il y a la somptueuse victoire de Julian Alaphilippe sur le mondial. Avec un Specialized Tarmac SL7 à disques. Une formidable machine, qui a su conserver un poids plume malgré l’adoption du disque. Spectaculaire mais pas révélateur d’une réelle avancée technique chez une majorité de constructeurs.
Qui peut dire qu’Alaphilippe n’aurait pas gagné de la même manière avec des patins ? D’autant que le frottement permanent des plaquettes sur les disques, induit une légère perte de puissance. Reste l’argument sécuritaire, évidemment. Le disque freine mieux, c’est indéniable.

Réellement, l’adoption quasi généralisée du freinage à disques par l’ensemble des
Constructeurs, y compris chez les artisans, pose la double question de la technique et du marketing.
Initiateur du disque adapté à la route, Ernesto Colnago évoque avec enthousiasme l’amélioration de la puissance de freinage. Notamment par temps de pluie. Incontestable évidemment. Mais ce gain de puissance ne peut en aucun cas annihiler la perte côté poids et côté facilité d’usage en côte. Quid par exemple du temps bien plus long lors des dépannages en course ? Une bonne dizaine de secondes de plus au bas mot. Et souvent d’avantage…
Quid aussi de l’entretien du système hydraulique et du changement de plaquettes par le client lambda ? Une vue de l’esprit…
On comprend aisément le choix de Tadej Pogacar et de ses principaux adversaires. Un Tadej Pogacar âgé de seulement 22 ans, ce qui invalide immédiatement l’argument générationnel avancé par certains lorsque Nibali, Contador ou Froome disaient préférer les patins aux disques.

Specialized de Julian Alaphilippe

Reste la stratégie commerciale, appuyée par des plans marketing parfaitement huilés, de constructeurs désireux de relancer le marché par l’obligation faite à leurs clients de changer de vélo. Le freinage à disques nécessitant un cadre, un groupe et des roues adaptées.

À titre personnel je constate que mes vélos acier ou carbone, montés en Campagnolo Super Record 12 vitesses avec freinage à patins, sont tous largement sous les 7 kg. Un poids hyper compétitif face à des vélos « à la mode » avouant un embonpoint de près d’un kilo.

Évidemment, il est toujours possible, même si c’est de plus en plus difficile, de choisir de choisir en optant pour le freinage à patins. Mais pour combien de temps encore ? Et où sont nos rêves de vélos light à 6 kilos, voire moins comme c’était le cas avec les fameux Canyon Evo ou Bianchi Specialissima ? Tous deux convertis aux disques, ces légendes pèsent désormais 800 grammes de plus. Vous avez dit étrange ? Moi j’ai dit étrange…
Quant aux champions, ils ont dit non !

S.L.

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