Chutes et rechutes

Depuis quelques saisons, le nombre de chutes dans le peloton professionnel s’est accru de manière absolument exponentielle. Avec des victimes le plus souvent célèbres et le plus souvent aussi gravement touchées. Au point de se retrouver hors jeu pour des semaines, voire des mois.

Par Salvatore Lombardo

Ainsi Chris Froome, qui frôlera la mort. Ainsi Remco Evenepoel, pour qui on craindra le pire. Ainsi Egan Bernal, explosé dans un bus en stationnement et relevé dans un état gravissime. Ainsi encore Nacer Bouhanni, qui risquera l’hémiplégie. Ainsi Julian Alaphilippe, miraculé après avoir percuté un arbre au fond d’un fossé.

Si le surdoué Remco Evenepoel est parvenu à signer un beau retour, quid de Chris Froome qui traine sa misère en queue d’un peloton qu’il a longtemps survolé. Quid aussi de Nacer Bouhanni et de sa souffrance physique et psychique qui lui font reporter son énième retour à la saison prochaine. Lorsque délivré de la minerve qui préserve ses cervicales, il pourra enfin remonter sur un vélo. Quid enfin de Julian le magnifique, désireux de tout faire pour être au départ du Tour de France. Et quid de Bernal qui revient de très loin et tentera le come back sur la Vuelta.

Au-delà des stars, la chute est devenue monnaie courante chez les professionnels. Comme un phénomène social et sportif. Un fait à la fois inquiétant et révélateur.
Inquiétant par son importance croissante.
Révélateur aussi d’une double dérive comportementale et technique.

Comportementale dans le peloton avec une propension absurde et périlleuse à prendre tous les risques, même les plus stupides, afin de remonter vers la tête alors qu’il n’y a de toute évidence pas la place pour le faire. Des risques encore accrus par le phénomène insupportable des oreillettes, avec des coureurs désormais téléguidés depuis les voitures suiveuses.
Dénoncé régulièrement par des Champions de la stature de Merckx, Moser ou Hinault, cette dérive comportementale est encore renforcée par la folie de spectateurs prêts à tout pour un selfie.

Technique, avec des vélos de plus en plus rigides, de plus en plus difficiles à manier, et de plus en plus souvent équipés de freins à disques. Voir les chutes de Dumoulin, par exemple, et les blessures impressionnantes de quelques autres, aux membres littéralement découpés par le disque.
Désormais globalement imposé aux coureurs par leurs constructeurs, marketing oblige, le disque en lui-même n’est pas toujours en cause. Le risque majeur ne provenant probablement pas du disque lui-même, mais plutôt de la différence de puissance de freinage entre les freins traditionnels et les freins à disques. Ces derniers offrant une puissance bien plus importante et donc des distances d’arrêt moindres. D’où risque de collision d’une part et de dérapage incontrôlable de l’autre. La puissance de freinage accrue n’étant pas toujours compatible avec l’adhérence au sol des boyaux ou des pneumatiques.

Alors faut-il sermonner coureurs, dirigeants et constructeurs ? Ou plutôt leur faire prendre conscience de la réalité du danger ? Et que faire pour les spectateurs, régulièrement rappelés à l’ordre par Guillaume di Grazia ou Laurent Jalabert ?
La réponse ne m’appartient pas, évidemment. Mais je voudrai simplement rappeler, en modérateur, que la chute fait hélas aussi partie de la course. Depuis toujours. Il n’y a qu’à se souvenir des terribles chutes de Jean Robic, Fausto Coppi, Roger Rivière, Joop Zoetemelk, Eddy Merckx, Laurent Jalabert ou Marco Pantani.

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