Chez Rotor, en quête de perfection

Madrid s’éveille à peine, il est encore bien tôt lorsque José Manuel vient nous récupérer à l’hôtel. Départ matinal pour éviter les traditionnels embouteillages qui sont le quotidien des travailleurs madrilènes.
C’est à quelques kilomètres en dehors de la ville que se situe le siège et l’usine de Rotor. Un peu à l’écart, dans une zone industrielle semblant sortie d’un autre temps. À vrai dire, sur le moment, je peine à croire que de telles merveilles de technicité peuvent sortir de cet endroit.
Un grand bâtiment siglé Rotor surgit devant nous. On entre par la grande porte, qui n’est pas si grande en réalité. Une œuvre d’art faite de pièces détachées orne l’entrée. Pas de mise en scène, un escalier monte devant nous, nous l’empruntons.
C’est dans ce lieu, qu’on peut considérer comme le siège de la marque, que sont étudiés et conçus tous les produits de la société. Pour la fabrication, c’est la rue d’à côté et cent mètres plus bas. Nous arrivons à l’étage et je suis étonné par le nombre de prototypes qui encadrent l’escalier et le hall. Il y en a bien une trentaine, presque dans l’ordre chronologique. De quoi suivre de près l’étude des fameux plateaux ovales et mieux comprendre la raison d’être de Rotor.
Car avant de fabriquer des plateaux, Pablo Carrarasco (le cofondateur avec son ami avocat Ignacio Estelles) avait conçu un pédalier qui reproduisait le pédalage des plateaux ovales. Un système qui fonctionnait bien mais se montrait plutôt lourd et encombrant…
À l’étage, un grand et très lumineux open-space apparaît. Les produits actuels sont exposés, l’ambiance est calme, clinique. Ça bosse !


Chez EDR, modus operandi de vos futurs plateaux, pédaliers, ou cassettes…
Ironie du sort, c’est dans le plus ancien bâtiment qu’on travaille le carbone. Carbone qui compose notamment les leviers du groupe Uno. Pour tout ce qui est métallique (acier ou aluminium), c’est dans l’agrandissement. Les énormes machines CNC se succèdent, elles sont bien nombreuses. Si à l’extérieur rien ne transparaît, l’allure intérieure de cet agrandissement est ultramoderne.
La fabrication des plateaux commence à partir d’une plaque d’aluminium épaisse d’environ deux centimètres pour les plateaux seuls, et 4 centimètres pour les nouvelles couronnes monobloc de l’Aldhu.
Chaque plaque d’aluminium est découpée grâce à l’emploi d’un jet d’eau à très haute pression. Plus de 2 000 bars. La découpe en rond est la première étape, vient ensuite l’usinage, en plusieurs étapes. On commence par dégrossir et enlever de la matière, puis percer les trous de fixation. Une autre machine se charge de commencer à tailler les dents puis d’enlever encore de la matière pour alléger. Au total, on enlève près de 80 % de matière par rapport au bloc rond initial. Le nombre d’étapes est impressionnant, tout comme la qualité finale du produit. En regardant la grosse plaque d’aluminium, on peine à imaginer obtenir cette petite merveille de technicité. Et pourtant, ils le font !

Pour les manivelles, la matière première est une grosse barre d’aluminium (un cube pour les étoiles). À la base mesurant plusieurs mètres de long, la barre est taillée en petits morceaux qui deviendront chacun une manivelle. Chaque « morceau » est ensuite percé trois fois dans le sens de la longueur. L’utilisation d’une mèche spécifique, évidée en son centre, permet d’évacuer parfaitement la matière et créer un trou absolument droit, garant de la bonne solidité de la manivelle. La technique est ici primordiale pour faire un travail de qualité.
Une fois ces opérations effectuées commence le travail d’usinage, en plusieurs étapes. Il diffère selon le modèle, l’Aldu et le 3D+ sont évidemment ceux réclamant le plus d’attention.
Voilà, la manivelle est quasiment terminée. Elle passe dans une machine qui agit comme une essoreuse. Plongée dans un bain composé d’eau savonneuse et de billes de plastique, elle va être parfaitement nettoyée. Ensuite vient l’anodisation, ultime finition, et c’est terminé.
La nouvelle cassette est une petite œuvre d’art. On change de matériau pour l’acier. Un gros bloc d’environ trois kilos dont on peine à imaginer qu’on ne gardera guère plus de 100 grammes une fois toute la matière enlevée. Là encore, les étapes se multiplient. La précision est extrême, en témoigne la pièce dédiée au contrôle de l’usinage. De l’ordre du micron. Température contrôlée, à la moindre défectuosité, la cassette est immédiatement mise au rebut. Une fois le bloc d’acier usiné, contrôlé et traité, il est enfin assemblé manuellement aux deux grands pignons en aluminium.
Le Uno, un groupe vraiment à part
Outre les très nombreuses étapes d’usinage, le nombre de pièces composant le groupe Uno est très important. Ce qui implique non seulement de contrôler très précisément la fabrication de chacun des éléments de dérailleur ou de levier, mais aussi le montage très méticuleux de l’ensemble. Plus que de la mécanique, on se croirait dans un atelier d’horlogerie. D’ailleurs on peut parfaitement associer les divers mécanismes du groupe à des mouvements de montre tant la précision et les tolérances de fonctionnement sont poussées.
