L’avenir du vélo

Avec le Strada, 3T redéfinit le vélo de route dans son ensemble et s’affranchit de toutes les barrières qui existaient. Il faut dire que son génial créateur n’est autre que Gérard Vroomen. Le Strada (route en italien) combine à la fois aérodynamisme poussé, simplicité d’usage, confort, rendement, légèreté et beauté. C’est tout cela à la fois et même plus. Suivez-nous à la rencontre de cette machine à part.

Les plus initiés d’entre vous connaissent certainement Gérard Vroomen. Ou l’auront-ils découvert dans notre supplément Eurobike où Top Vélo l’interviewait. Un homme ingénieux, créateur et visionnaire. Certains iraient même jusqu’à le qualifier de « génie ». Il faut dire que le monsieur n’est pas le dernier arrivé dans le monde du vélo. Co-créateur de Cervelo en 1995 avec son ami Phil White, Gérard Vroomen avoue aujourd’hui que 3T l’a toujours fait rêver.

Après la revente de Cervelo en 2012, Gérard crée Open et acquiert 3T. L’occasion pour lui de laisser libre cours à son imagination, toujours débordante. Le Strada en est le fruit, c’est le grand frère de l’Exploro sorti l’année dernière. Alors que l’Exploro est le tout premier vélo conçu pour évoluer sur tous les terrains grâce à sa géométrie axée sur route et son cadre acceptant les pneus larges (de 25 à 40 mm), le Strada, lui, évolue sur l’asphalte et se veut plus performant sur ce terrain.

Aérodynamique, confortable, léger, rapide, il sait tout faire et combine des solutions techniques ingénieuses jamais utilisées jusqu’à présent sur un vélo de route. En regardant le Strada, on est tout de suite surpris par la présence d’un seul plateau et par l’absence de dérailleur avant, chose inédite sur une machine de route, il faut savoir que le monoplateau a été choisi dès la conception du cadre. Ou plutôt le cadre a été dessiné et inventé avec l’idée d’un seul plateau pour optimiser l’aérodynamisme et simplifier l’utilisation des vitesses.

Concernant l’aérodynamisme, le Strada est une lame, il suffit de le regarder pour s’en apercevoir. Mais en allant plus loin, le fait de supprimer dérailleur avant et petit plateau permet un très net gain à un endroit qui, d’ordinaire est créateur de grosses turbulences et est certainement le plus défavorable au passage de l’air. Rendez-vous compte que la zone du pédalier contient le cadre, le dérailleur avant, les plateaux, la chaîne, le bidon ainsi que vos jambes et vos pieds.

Tout cela ne peut se faire qu’avec des développements étudiés spécifiquement pour le Strada. Et 3T plonge dans le bain avec une inédite cassette 9-32 (!). Disponible en deux versions, elle permet d’obtenir l’équivalence des développements classiques 48/34, 50/34 et 54/39 avec des plateaux de respectivement 36, 40 et 44 dents. Les plus réticents parleront de l’écart entre chaque pignon, ce qui n’est pas faux, au demeurant. Mais non.

En tout cas pas plus que sur une transmission classique, jugez par vous-même sur les deux combinaisons possibles : 9-10-11-12-13-15-17-19-22-26-32 et 9-11-12-13-15-17-19-22-25-28-32. On peut imaginer que les deux derniers pignons ne servent que dans les descentes les plus pentues, de même que les deux pignons du haut. On évolue donc la plupart du temps entra le 11-12 et le 22-25. Et les écarts ne sont pas plus importants que dans une cassette classique 11-32 de chez Shimano. Le choix du plateau sera celui de votre forme physique. Les plus costauds, les coursiers choisiront évidemment un 44 tandis que les cyclosportifs se tourneront vers les 36 et 40.

Une fois l’histoire de braquet appréhendée, et pour passer au châssis, 3T indique qu’un des éléments les plus importants dans la notion de confort (si ce n’est le plus important) est le pneumatique et sa largeur. Le pneu est le seul élément qui relie votre vélo à la route. En tant que seul et unique point de contact, c’est le dernier élément du vélo par lequel est transmise votre énergie. C’est aussi par lui que remontent tous les aléas de la chaussée, les trous dans l’asphalte, les pavés… Enfin c’est toujours le pneu qui assure votre tenue sur la route par sa surface de contact et la qualité de sa gomme.

Concernant le confort sur un vélo, nous savons tous qu’un pneu plus large absorbe mieux les aspérités et préserve le cycliste. Large mais jusqu’à quel point ? Le Strada est développé spécifiquement autours de pneus de 28 mm de section. Là où certains autres cadres du marché équipés en 25 mm acceptent le 28, le Strada est prévu pour donner le meilleur de lui-même avec cette section. Le gain en confort a décidé ce choix mais pas seulement. Il faut aussi y voir une manière d’offrir un meilleur aérodynamisme, car le 28 mm s’adapte parfaitement sur les nouvelles générations de jantes larges. Ajoutez à cela des espaces réduits entre les roues et le cadre, vous obtenez une lame qui fend l’air.

L’aéro c’est bien et en dehors du gain certain sur le confort, on peut se poser la question du rendement d’une telle machine. Car si l’on sait que le passage de 23 à 25 mm n’a pas handicapé nos vélos, le 28 mm est d’ordinaire réservé aux pures machines d’endurance qui n’offrent pas un rendement de très haut niveau, comme promis sur le Strada. Notre test éclairera là-dessus… On reparle encore de l’aérodynamisme du Strada avec la forme de ses tubes et l’intégration de son freinage exclusivement à disques.

Le freinage à disques n’a pas été rajouté sur un châssis déjà existant, puis renforcé pour accepter les nouvelles contraintes induites par ce type de freinage, comme certains constructeurs l’ont fait pour le proposer, parfois à la hâte. On dit souvent que le disque est moins aérodynamique que le freinage sur jante. C’est souvent vrai, mais parce que le cadre n’a pas été expressément conçu pour ce type de freinage. Vous l’aurez compris, 3T avait prévu dès le début d’adopter le disque sur le Strada et l’aérodynamisme n’en pâtit pas, au contraire. Les tubes ont été conçus pour diriger le flux d’air d’avant en arrière tout en offrant le moins de turbulences possibles. Le T de la fourche a été réduit à sa plus simple expression, l’espace entre la roue et la cadre est minimal, tout est sous contrôle. Même la poutre transversale englobe le bidon !

Les haubans ultra-fins apportent encore du confort et minimisent la résistance à l’air. Il est utile de préciser que le 3T est homologué UCI et va être utilisé dans le circuit professionnel dès 2018 par le Team Aqua Blue Sport en Continental. Un des seuls griefs contre le Strada repose sur sa géométrie, car doté uniquement de quatre tailles, il impose un écart assez important entre chaque dimension pour les personnes de taille moyenne. Deux tailles de plus à ce niveau auraient été bienvenues…

Quelques mots sur la finition, sublime. La peinture est appliquée à la perfection et les lignes du vélo font le reste. Difficile de passer inaperçu au guidon d’une telle machine !

Sram 1x, groupe du futur

Sram est le seul à proposer un groupe haut de gamme en monoplateau. Le Force 1x est même le précurseur de ce mouvement à l’origine destiné au Gravel et au cyclocross. On pourrait penser qu’enlever un plateau et se passer de dérailleur avant simplifierait les choses mais on n’improvise pas une transmission en enlevant des éléments, au bon vouloir d’une soudaine envie.

Enlever un plateau impose de retravailler complètement la ligne de chaîne et le fonctionnement du dérailleur arrière, tandis que le positionnement du plateau est lui aussi revu. Il doit être parfaitement au centre. Sram a aussi conçu une chaîne spécifique qui travaille de concert avec les dents redessinées du plateau, l’empêchant de sauter. Au final, le Force 1x fonctionne à la perfection et se permet même de tutoyer le Red niveau poids. Un vrai groupe haut de gamme !

Côté composants, c’est évidemment du 3T. Cintre Aeronova LTD, une monumentale pièce de carbone. Monumentale dans ses formes et monumentale dans son ergonomie. Potence aluminium et tige de selle spécifiques au Strada. À noter le réglage du chariot, qui semble simple mais une fois qu’on l’a touché, il se révèle tout sauf simple. Attention de ne pas trop le serrer, une bêtise est vite arrivée. On termine le tour des équipements de cette machine hors du commun avec les roues. Encore des 3T, des énormes Discus C60. 60 mm de hauteur de profil, de magnifiques moyeux équipés de roulements Ceramic Speed et une rigidité qui semble à toute épreuve. Il n’en faut pas moins pour équiper un tel vélo !

Un comportement d’homme fort !

Pas besoin d’avoir parcouru des centaines de kilomètres pour s’en rendre compte, le Strada est une lame ! Malgré ses pneus de 28 mm, on se sent directement en contact avec le grain de la route. Le ressenti est extraordinaire, j’ai l’impression de rouler avec des boyaux de 19 mm. Pourtant je regarde ma roue avant, c’est bien un gros boudin. Tellement gros qu’il effleure le cadre, du jamais vu !

Sur le plat, je file à toute allure. Le petit plateau de 44 dents s’emmène avec une facilité dérisoire. Je tourne vite les jambes et j’avance vraiment vélocement. Le cintre Aeronova offre une belle ergonomie, je trouve facilement une position qui me permet d’exploiter tout le potentiel qu’offre le Strada sur route plane. Une telle facilité d’évolution sur le plat ne s’est que rarement présentée à moi. Je pourrais citer le Pinarello F10, le Canyon Aeroad et le Cipollini RB1000. On peut rajouter le Bianchi Oltre XR.4 sur la liste. Le Strada vole.

En côte, ça n’est pas tout à fait pareil. Deux cas de figure : le premier, si tout va bien, vous avez les jambes et vous arriverez moyennant pas mal d’énergie à gravir n’importe quelle côte. Dans la douleur cependant, car il faut rouler vite pour l’emmener. Je ne retrouve pas la facilité d’un Cervelo S3. Si vous avez des watts, donc, tout va bien. Deuxième cas de figure, vous n’êtes pas trop en forme. Vous subissez. Inutile de brusquer le vélo, rien à faire. Sauf changer les roues, pour des profils moyens de 35 ou 40 mm. Ce que vous perdrez sur le plat vous le gagnerez lorsque la route s’élèvera. Nous en avons fait l’expérience avec des Lightweight en remplacement, un autre monde. La meilleure solution est de posséder deux paires de roues, très certainement.

En descente, le Strada est une sublime machine. Son allure de vélo de plat ne doit pas vous effrayer, car il se montre docile et conciliant. Je pourrais rajouter qu’on en fait ce qu’on veut. Certainement grâce au freinage à disques, surpuissant. Mais aussi grâce à la géométrie particulièrement performante. Sans oublier la rigidité de l’ensemble, de très haut niveau, y compris la fourche Fundi Team. Bref, c’est parfait.

Et le confort ?

Il n’est pas oublié, sans être exceptionnel. On est au niveau des autres vélos aérodynamiques destinés à la vitesse. Sauf au niveau du contrôle en descente où le Strada est vraiment exceptionnel. Attention, il n’est pas usant et vous pouvez envisager sans souci de grosses et longues sorties à son guidon, tout juste peut-on noter des trépidations dans le poste de pilotage et l’assise sous les 30 km/h.

Le Strada, précurseur

Indéniablement le Strada marque son temps, et ce dès sa sortie. Redéfinition même de l’essence, il allie simplicité et haute technologie avec maestria. Ultra efficace sur route plate, il sait aussi grimper moyennant un train roulant pas trop exclusif. Et en descente, c’est la panacée. Mais son plus gros pari c’est d’arriver à faire oublier le double plateau. Et force est de constater qu’il y arrive à la perfection. Rouler sur un autre vélo « classique » est un dur retour à la réalité. Pour combien de temps ?

Groupe : Sram Force 1x – Roues : 3T Discus 60 – Poids : 7,5 kg – Tarif : 8299 euros 

Renseignements : www.3t.bike & www.mohawkscycles.fr 

Sur le circuit d’essai Top Vélo

Les lignes très aérodynamiques du Strada laissent présager un comportement de haut vol sur le plat, mais pas seulement. Comme nous l’avons vu lors de l’essai du vélo, il excelle aussi en montée, équipé de roues adéquates, et son comportement sécurisant en fait une excellente machine en descente. Notre circuit d’essai devrait confirmer ce ressenti…

Il a neigé la nuit dernière sur le Mont Ventoux. En bas l’air est frais mais le ciel est d’un bleu étincelant. Et surtout, pas une once de vent. Pas évident au pays du « Ventoux ». Le soleil commence à réchauffer l’atmosphère, je me lance. Pas de gros ou de petit plateau, ici le choix est simple. Un 44 dents.

Sur le faux-plat de départ, j’adopte une position très aérodynamique (merci le cintre 3T), le Strada suit la cadence. La cadence de pédalage est d’ailleurs haute, les pneus de 28 se font totalement oublier. C’est d’ailleurs une grande surprise pour moi qui suis plutôt adepte du 23, voire du 21. Virage à droite, peu avant la première montée la route se dégrade. Les pneus Continental absorbent la plupart des trous, et comme je roule assez vite, le cadre fait le reste du travail.

J’entame la montée. Tout de suite dans le bain avec des pourcentages de plus de 10 %. En temps normal mon réflexe serait de passer sur le petit plateau, ici je me contente de remonter les pignons. Ça passe sur le milieu de la cassette sans encombre. Après un peu de récupération, c’est la deuxième partie, la plus pentue.

Je suis obligé de remonter plus haut les vitesses. Les écarts entre chaque dent sont sensibles mais on s’y habitue assez vite. C’est plus une histoire de niveau, il faut trouver la bonne combinaison de cassette-plateau. Ensuite c’est ok. Je passe facilement même si je sens que les roues sont pesantes et me pénalisent à cet endroit. La cadre par contre est impérial. Il me donne l’impression de dominer la route en toute situation. Je calme l’allure au sommet. Un cycliste doublé dans la bosse me rejoint et s’étonne de la présence d’un seul plateau sur mon vélo. Le temps de lui expliquer la démarche qu’arrive la première descente. En bas, un gros freinage et c’est un virage à gauche sur 45°.

J’arrive à pleine vitesse et freine le plus tard possible. Difficile de dire si je freine plus tard qu’avec un vélo classique, toujours est-il que je suis en pleine confiance. Petite relance et c’est la dernière montée, plus régulière et moins difficile. Sur des pourcentages de l’ordre de 4-5 %, les roues Discus 60 passent bien et ne sont pas trop difficiles. Leur rigidité est parfaite, il faut bien l’avouer. Ultime descente, sous forme de grande lignes droites et de courbes rapides ne nécessitant aucun freinage. La vitesse est maximale et la stabilité du vélo primordiale. Pas de vent, je peux me lâcher, mains en bas et assis sur le cadre, comme Chris Froome.

Le Strada file, rien ne semble l’arrêter, sauf ses disques. Une bombe !

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